L’eau de mer hydrolyse le liant à copolymères présent dans la peinture, ce qui libère lentement le tributylétain (biocide) à raison de 5µg.cm-2.jour-1, et la résine à copolymères. La peinture se désintègre couche par couche en exposant continuellement une nouvelle couche qui se trouve à son tour au contact de l’eau de mer et libère à nouveau des biocides (phénomène de lixiviation).
2.1.2.1 Devenir dans l'environnement A/ Pollution de l'eau
- Dans l’eau, où elles pouvaient atteindre des milliers de nanogrammes par litre (Bryan et Gibbs, 1991; Garrett et Shrimpton, 1995), alors qu’on sait aujourd’hui que le TBT est toxique dès 0.4ng.l-1.
- Dans les sédiments (exemples tableau 15) alors que désormais la concentration journalière admise par l’OMS est de 0,25µg/kg (Thèse de Y. Yvon, 2008, « Développement d’une méthode de décontamination active des sédiments portuaires pollués en tributylétain par électromigration »).
Tableau 15: Concentrations en TBT dans les ports d'Arcachon et Brest Source : Ifremer (http://envlit.ifremer.fr/infos/glossaire/t/tbt)
Dans l’eau de mer, le TBT se trouve à l’état dissous sous forme d’hydroxydes de carbonates ou de chlorures. Il a peu d’affinité pour la phase particulaire : 5 % seulement du TBT est associé aux matières en suspension.
Le TBT peut être décomposé dans l’eau sous l’effet de la lumière (photolyse) et des micro-organismes (biodégradation) et produire du di- et du monobutylétain qui sont moins toxiques. Sa durée de vie mesurée dans des conditions environnementales varie entre quelques jours et quelques semaines.
Les cinétiques d’adsorption sur les sédiments sont lentes et les taux de désorption non significatifs. En conséquence les échanges entre sédiments et eaux interstitielles sont très limités et la fraction susceptible d’être désorbée par agitation des sédiments est inférieure à 1 %. (IFREMER).
Lorsque le TBT est accumulé dans les sédiments, en l’absence totale d’oxygène, sa demi-vie peut être de plusieurs années. Ainsi, les eaux au fond desquelles reposent de fortes quantités de sédiments, telles que celles des ports et des estuaires, risquent d’être contaminées pendant plusieurs années.
2.1.2.1 Devenir dans l'environnement B/ Bioconcentration
Le potentiel de bioamplification du TBT est encore mal connu, mais les données recueillies jusqu'à présent portent à croire que les composés organostanniques (désigne un produit de synthèse dérivé de l'étain.) ne présentent peut-être pas ce potentiel.
2.1.2.2 Effets dans l'environnement A/ Effets sur les organismes
- L'effet « imposex »
L'effet « imposex » est l'imposition et le développement de structures reproductrices mâles, tels le pénis et le canal déférent, chez les buccins femelles (Figure 19). Dans un stade aigu, les femelles deviennent stériles mettant en péril le renouvellement des populationsLa cause semble être une augmentation de la concentration en testostérone et une diminution de la progestérone et du 17b-oestradiol (hormone sexuelle féminine). On a constaté que plus de 40 espèces sont touchées par l'effet « imposex », bien que l'influence directe du TBT n'ait pas été établie dans tous les cas. Les deux espèces de gastéropodes utilisées en tant que bioindicateurs du TBT sont Nucella lapillus et Ocenebra erinaceus.
Figure 19: Les différents stades d'évolution de l'imposex chez Nucella lapillus. (Source : (Amiard, 2011))
http://envlit.ifremer.fr/content/download/81388/558767/version/4/file/2012+Imposex+Rapport+Toxem.pdf
- L'épaississement de la coquille
L'influence de concentrations de l’ordre de 2 ng.l-1 sur la calcification (chambrage) des coquilles d'huîtres creuses Crassostrea gigas a été observée in situ (essentiellement le long de la côte du Pacifique et en France, à Arcachon et à la Rochelle principalement) et au laboratoire. Les perturbations se traduisent par la formation de chambres remplies d'une substance gélatineuse et l'absence de croissance. Le chambrage affecte la qualité marchande des huîtres, mais la contamination n’a pas d’impact sur la consommabilité des coquillages : le facteur de bioaccumulation dans les tissus étant réputé faible (de l’ordre de 1000) et la toxicité du TBT pour les mammifères étant limitée.
La reproduction des bivalves est affectée à partir de concentrations supérieures à 20 ng.l-1, (baisse de fécondité, mortalité massive des naissains, inhibition de la croissance des rares individus survivants). Ce phénomène de chambrage, la chute de la production dans le bassin d’Arcachon (de 15.000 à 3000 tonnes en 1981) et la crise économique sévère qui s’en est suivie chez les ostréiculteurs ont été à l’origine des décisions réglementaires en France et de l’interdiction du TBT. (source : La chimie et la mer: Ensemble au service de l'homme – éd. EDP sciences, 2009).
Pour en savoir plus : http://archimer.ifremer.fr/doc/1983/publication-1828.pdf
Chambrage d’huîtres soumises à une exposition au TBT(20 ng/L). Source : Ifremer
2.1.2.2 Effets dans l'environnement B/ Effets sur l'environnement
Figure 20: Menace sur la biodiversité (Source : Florian Roulies)
Activité
Définir un « biomarqueur ».
D'après ces données, pouvez-vous citer un biomarqueur spécifique du TBT ?
2.1.2.3 Exposition et évaluation du risque A/ Exposition
En effet, l'exposition des individus immatures à 1 ng TBT.l-1 induit le phénomène d'imposex, alors que les adultes réagissent au delà de 5 ng TBT. l-1 (Tyler et al., 1998). Aux USA, l'EPA (Environmental Protection Agency) considère que la concentration maximale du TBT dans l'environnement aquatique ne doit pas excéder 20 ng. l-1. Depuis l'interdiction du TBT en 1987 sur les bateaux de moins de 25 mètres, une décroissance significative des fréquences d'imposex est observée sur le murex (Minchin et al., 1995).
Néanmoins, dans certains ports et sur les routes fréquemment empruntées par les navires, cette valeur seuil est largement dépassée atteignant parfois plus de 30 ng TBT. l-1 (Tyler et al.,1998). (source : http://archimer.ifremer.fr/doc/00076/18758/16328.pdf ).
Ce phénomène devrait être amélioré par une résolution de l’Organisation Maritime Internationale qui interdit depuis septembre 2008 la présence du TBT sur les parties externes de toute entité entrant dans une zone portuaire française.
Par ailleurs, et en réponse aux exigences de la commission OSPAR (Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est), depuis 2003 un suivi de l’intensité de l’Imposex est réalisé le long des côtes françaises atlantiques et de la Manche. Ce suivi met en valeur une baisse continu et significative de ce phénomène et illustre l'amélioration globale des conditions environnementale liées au TBT, malgré l’existence de sites encore très impactés comme le Havre, Brest et Concarneau. (rapport 2012 : http://envlit.ifremer.fr/content/download/81388/558767/version/4/file/2012+Imposex+Rapport+Toxem.pdf )
2.1.2.3 Exposition et évaluation du risque B/ Evaluation du risque
D'après l'évaluation des risques effectuée par la Communauté Européenne, quatre scénarios d'exposition aquatique ont été examinés et l'on a déterminé, sur des espèces sensibles, la concentration prévue dans l'environnement (CPE), la concentration prévue sans effets (CPSE) et le rapport CPE/CPSE pour chacun des quatre types de rejets identifiés dans le milieu aquatique. Les quatre scénarios étaient les suivants :
1. Rejet dans les eaux de surface imputable à la fabrication d'Oxyde de Tributylétain (OTBE) ;
2. Rejet dans les eaux de surface imputable à la fabrication de peintures copolymères autopolissantes à base de TBT ;
3. Rejet dans les eaux de surface imputable aux pratiques des chantiers navals ;
4. Rejet dans les eaux de surface imputable à l'utilisation de TBT sur les navires dans le milieu marin, saumâtre ou dulçaquicole.
Tableau 16: Scénarios d'exposition aquatique - CPE, CPSE et rapport CPE/CPSE utilisés pour chacun des quatre scénarios d’exposition aquatique (Atkins International Ltd., 1998)
Il n’a pas été possible de déterminer exactement les concentrations dans l’eau résultant du rejet de TBE imputable à la navigation seule, mais ce rapport CPE/CPSE alarmant suffisait pour établir que c’était dans les zones de navigation intense, et dans les eaux avoisinant les chantiers navals que le risque était inacceptable. Le rejet des TBT étant difficilement maitrisable, c’est donc bien par la restriction puis l’interdiction complète des peintures antisalissures à base de TBT qu’est passé et passera l’amélioration de la situation.
Figure 21: Effets de la pollution (Source: http://www.afleurdepau.com)
2.1.2.4 Mesures de prévention A/ Réglementation
En raison de la forte toxicité du TBT et des conséquences économiques néfastes sur l'activité ostréicole, la France a été le premier pays à interdire l'usage des peintures antisalissures à base d'organoétains.
- Interdiction par décret en date du 17 janvier 1981 pour les bateaux de moins de 25 mètres de long. Dans un premier temps, seuls les départements riverains de la Manche et de l'Atlantique ont été concernés, puis rapidement cette interdiction s'est étendue à toutes les côtes françaises.
- Des mesures comparables ont été prises en Grande-Bretagne, puis dans différents pays à partir de 1988 (États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande...). L’Organisation Maritime Internationale (IMO, International Maritime Organzation) propose l'interdiction du TBT suite aux recommandations du MEPC (Marine Environnement Protection Commitee) comme agent antisalissure.
- La convention Internationale AFS (Anti Fouling system) est adoptée le 5 octobre 2001 par l’Organisation maritime internationale (OMI), reprise par le règlement européen CE n°782/2003 du 14 avril 2003. Elle prévoit qu’à partir du 1er janvier 2003, l’utilisation de peintures à base de TBT soit interdite.
- Depuis les 1er janvier 2008 la présence de TBT sur les coques de tous les bateaux est interdite. Les anciennes peintures ont dû être enlevées ou stabilisées pour prévenir tout risque de contamination du milieu marin par les organostanniques. Cette réglementation s'applique à tous les navires dont les pays ont signé la convention AFS. En France, selon le décret n°2008-1125 du 3 novembre 2008, un navire peut être inspecté dans tout port, chantier naval ou terminal au large. Le navire doit avoir à son bord un certificat international du système antisalissure, ou une déclaration en cours de validité (article 11, décret n°2008-1125 du 3 novembre 2008). En cas de doute, un échantillonnage du système antisalissure du navire qui ne nuise ni à l'intégrité, ni à la structure, ni au fonctionnement peut être effectué.
2.1.2.4 Mesures de prévention B/ Alternatives
Des recherches sont actuellement menées pour trouver de nouvelles alternatives, comme ce projet mené au sein du Pôle Mer Bretagne : http://defenseetenvironnement.blogspot.com/2011/06/paintclean-peinture-antisalissure.html
http://www.sudouest.fr/2011/09/14/un-president-inquiet-498372-706.php
http://defenseetenvironnement.blogspot.com/2011/06/paintclean-peinture-antisalissure.html