10.2 Le type « Grande station balnéaire » de la Manche et de l'Atlantique

Dans le cas d'une création ex nihilo, d'une station toute entière ou d'un quartier balnéaire, la trame générale a été pensée. C'est souvent le cas des stations du XIXe siècle de la Manche et de l'Atlantique. La structure spatiale de la plupart des stations présente de nombreuses variantes dans le détail. Par contre, la disposition ne se différencie guère, notamment sur le plan commercial. Vue d'avion, il y aurait même plus de ressemblances que de particularismes locaux.

Deux exemples de morphologie apparemment bien différente, mais avec une organisation spatiale du commerce assez semblable.

A Cabourg, sur la Côte Fleurie (Calvados), la trame urbaine prend un caractère rayonnant à partir du centre de la station constitué par le casino et le Grand Hôtel, puis en périphérie, la trame en damier domine comme dans beaucoup de petites stations européennes de l'Atlantique et de ses mers bordières voire de la Baltique (Figure 16).

Vue satellite de Cabourg ou l'architecture urbaine ressort du tracé des rues.
Figure 16. Plan semi-radioconcentrique de Cabourg (Calvados), Google Earth (1,5 km d'Ouest en Est).Informations[1]

Le plan de la station date du milieu du XIXème siècle. Un jeune architecte, Robinet propose un plan qui fait converger les rues vers un lieu central juste en arrière de la plage, vers le Grand Hôtel et le casino. C'est à ce niveau que s'achève aussi l'avenue de la Mer, la principale rue commerçante de la station balnéaire (axe Nord-Sud).

Une rue commerçante, des magasins, des enseignes et des promeneurs.
Figure 17. Avenue de la mer, principale axe commercial de CabourgInformations[2]

A Arcachon, à quelques 80 kilomètres de Bordeaux, la structure commerciale est relativement identique : la rue Gambetta se présente comme un axe perpendiculaire du front d'eau jusqu'à la gare, plus quelques rues adjacentes, l'ensemble se localisant dans la ville basse.

La station porte la marque d'une famille de promoteur, les frères Péreire. Ceux-ci et la Compagnie du Midi achevèrent la construction du chemin de fer et lancèrent le véritable développement de la ville basse à partir de 1857. Un simple plan quadrangulaire guide l'expansion urbaine. Onze ans plus tard, la Compagnie du Midi par l'intermédiaire de sa filiale, la Société Immobilière d'Arcachon, investit dans la création d'une ville d'hiver. En retrait du bassin, le lotissement est traité sous forme de parc urbain, la trame de la voirie épousant la morphologie dunaire. Dans cette ville haute, seule les villas occupent cette espace boisée et les commerces sont inexistants.

Tableau 1 : Morphologie commerciale des grandes stations balnéaires de la Manche et de l'Atlantique

Nom de la station balnéaire

Localisation de la principale rue commerçante

Localisation par rapport au front de mer et à la plage

Front de mer

Hardelot

Place de Bournonville et son prolongement vers l'intérieur des terres, l'avenue de la Concorde puis François 1er

Axe perpendiculaire au front de mer, au centre de la station balnéaire

Uniquement des immeubles d'habitation (plutôt résidences secondaires et quelques résidences principales)

Le Touquet-Paris-Plage

Rue Saint Jean

Rue étroite, à sens unique, à priorité piéton

Axe perpendiculaire au front de mer, au centre de la station balnéaire

Uniquement des immeubles d'habitation (plutôt résidences secondaires et quelques résidences principales)

Cabourg

Avenue de la Mer

Rue étroite, à sens unique, à priorité piéton

Une radiale du plan semi-radioconcentrique, perpendiculaire au littoral

Front de mer d'immeubles puis de villas. Quelques restaurants au niveau de la partie centrale

La Baule

Avenue de Gaulle

Sens unique

Circulation à vitesse réduite

Perpendiculaire au front de mer, au centre de la station balnéaire

Immeubles jusqu'à une dizaine d'étages

Avec par moment des restaurants et bars au rez-de-chaussée

Les Sables d'Olonne

Rue de l'Hôtel de ville et autour des Halles (Un ensemble de petites rues piétonnisées)

Sur les quais donnant sur le port de plaisance, plutôt des restaurants, cafés

Parallèle à la plage et au port de plaisance

Front de mer d'immeubles jusqu'à une dizaine d'étages. Concentration de restaurants et bars au niveau du centre-ville sur le front de mer puis plus dispersés ensuite

Arcachon

Avenue Gambetta, piétonniser

Perpendiculaire au littoral dans la ville basse.

Front de mer d'immeubles et de villas

Comment expliquer cette organisation commerciale que l'on retrouve dans la plupart de ces « grandes stations » de l'Atlantique et de la Manche (Structures très proches dans les stations belges de la Mer du Nord à De Panne, Ostende ou Knokke-Heist).

  • Premier facteur explicatif à mettre en avant, la rente foncière :

Le front de mer est occupé par un rempart d'immeubles, parfois très élevés (jusqu'à 7 ou 8 étages comme à La Baule). En arrière, la skyline de la station redevient basse avec une mer de villas. Le coût du foncier puis de l'immobilier est donc très élevé, trop élevé pour l'activité commerciale. Par ailleurs, un certain nombre de commerces (discothèques, bars, commerces alimentaires) occasionneraient des nuisances qui seraient susceptibles de porter atteinte à « l'image de marque » de ces résidences de front de mer.

  • Deuxième facteur qui serait plutôt une hypothèse :

Ces axes commerciaux, perpendiculaire au front de mer, se seraient développés pour mettre le client en protection du vent dominant. Ainsi, Hardelot, Le Touquet sont habitués à des vents dominants du Sud-Ouest pour des axes commerciaux ouest-est ; Cabourg mais aussi Arcachon présentent des axes commerciaux N-S pour des vents dominants d'ouest, etc. Dans un contexte de plan en damier, l'orientation des rues ne propose pas beaucoup de variantes, les commerçants se seraient peu à peu concentrés dans des rues agréables à la déambulation piétonne ?