3.2 Le tourisme en Nouvelle-Calédonie

Un potentiel touristique certain

Le développement du tourisme en Nouvelle-Calédonie est relativement récent, l'industrie minière et plus particulièrement l'exploitation du nickel ayant été le modèle historique et le principal moteur du développement et de l'organisation socio-spatiale du pays.

Ce n'est qu'à partir des années 1980 afin de tendre vers un développement plus durable, que ce territoire des Outre-mer s'est intéressé à sa mise en tourisme. Le secteur touristique représente aujourd'hui un relais de croissance important et une opportunité réelle de diversification pour l'économie calédonienne. Cette perspective est d'autant plus envisageable que cet archipel situé dans l'océan Pacifique à environ 1500 km au nord-est des côtes australiennes, bénéficie de véritables atouts pour le développement de cette activité. Tout d'abord le climat de type tropical humide tempéré par les influences océaniques y est favorable et clément toute l'année, offrant des températures relativement chaudes (moyenne d'environ 24° à l'année) ainsi qu'un très bon taux d'ensoleillement.

L'archipel calédonien profite aussi d'un patrimoine naturel exceptionnel marqué par une mosaïque de paysages originaux à dominante naturelle (Dumas, 2020) tels que ceux des sites littoraux de la plage de Mouli à Ouvéa (Figure 5), de la baie de Kuto à l'île des Pins, ou encore le bord de mer de Poé à Bourail. Ces paysages de plages de sable blanc très peu fréquentées, bordées de cocotiers, baignées par les eaux turquoise et chauffées par la chaleur du soleil tropical constituent de véritables paysages de carte postale et sont souvent mis en avant dans le cadre de la promotion touristique flattant la destination calédonienne. Le pays est aussi un « hotspot » de la biodiversité, notamment marine. En effet, la Grande-Terre, île principale de l'archipel est entourée d'un vaste lagon de 24 000 km² abritant plus de 15 000 espèces animales et offrant des milieux récifaux exceptionnels, véritable paradis pour la pratique de la plongée sous-marine. Une grande partie de ce lagon a d'ailleurs été inscrite en 2008 à la liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO (Dumas et Cohen, 2019).

Enfin la destination calédonienne offre un riche patrimoine historique et culturel mettant en avant à la fois une culture mélanésienne encore largement ancrée dans les traditions et la culture et la langue française teintées d'exotisme. Pour l'ensemble de ces raisons la destination calédonienne se destine plus naturellement vers un tourisme de type balnéaire.

Plage de carte postale - Végétation à gauche, sable blanc au centre et mer turquoise à droite
Figure 5. Un paysage à fort potentiel touristique : plage de Mouli au sud de l'île d'Ouvéa Province des Iles Loyauté (source : P.DUMAS)Informations[1]

Un tourisme qui stagne mais le secteur de la croisière qui explose

Toutefois, malgré ces atouts majeurs quant à son attractivité touristique, la Nouvelle-Calédonie ne capte qu'une part bien modeste des 22,7 millions de touristes de l'aire océanienne (en 2015 -prenant ici en compte ici Hawaï, l'Australie et la Nouvelle-Zélande). En 2019, l'archipel a accueilli environ 130 500 touristes (soit une hausse de 8,4 % par rapport à 2018, ce qui représente plus de 10 000 touristes supplémentaires, IEOM, 2020 - comme partout dans le monde, en raison de la crise sanitaire, la fréquentation touristique en Nouvelle-Calédonie s'est brutalement arrêtée avec la fermeture des frontières en mars 2020).

Même si le nombre de visiteurs connaît depuis ces dernières années une croissance marquée avec un record historique en 2019, la fréquentation touristique reste faible. Elle se maintient autour de 100 000 personnes sur la première décennie du XXIème (Figure 6). Avec plus de 32% des arrivées en 2019, la France métropolitaine représente la provenance principale des touristes. Elle est suivie par l'Australie (près de 20%), le Japon (près de 17%) et la Nouvelle-Zélande (8,5%).

Avec plus de 32% des arrivées en 2019, la France métropolitaine représente la provenance principale des touristes. Elle est suivie par l'Australie (près de 20%), le Japon (près de 17%) et la Nouvelle-Zélande (8,5%).

Au-delà des visiteurs métropolitains correspondant à du tourisme affinitaire, la clientèle calédonienne est ainsi principalement régionale.

Graphique montrant deux courbes : la courbe des touristes restant stable autour des 100000 personnes par an (de 1990 à 2018) - la courbe des croisiéristes dépassant les 100000 personnes entre 2005/2006 pour atteindre 500000 personnes en 2016 et 2017
Figure 6. Évolution du trafic touristique en Nouvelle-CalédonieInformations[2]

Ces touristes fréquentent surtout la capitale Nouméa et plus globalement la Province Sud qui rassemble les trois quarts de l'offre d'hébergement de l'archipel (environ 2500 unités) devant la Province Nord (environ 600) et des Îles Loyauté (230) (Figure 7).

Outre la capacité d'hébergement, constituée principalement par de grands hôtels étoilés (Figure 8) avec pour objectif affiché d'attirer un tourisme haut de gamme, le chef-lieu regroupe aussi la plupart des activités culturelles et de loisirs (musée, casinos, aquarium, parc zoologique ou encore le centre culturel Tjibaou, véritable vitrine de la culture kanak). Pour plus d'authenticité, les îles Loyauté essentiellement occupée par des terres coutumières, reste une destination où les traditions kanak et de la coutume sont encore très vivaces. L'offre d'hébergement est davantage constituée par de petites structures de type gîte et accueil en tribu sous forme de paillotes et de cases traditionnelles (Figure 9).

Carte présentant les liaisons aériennes entre différents points de l'archipel. Noumé regroupe l'ensemble des liaisons et possède le plus d'hébergement. Vient ensuite Lifou et Bourail. Cela représente en 2019 un flux touristique de 42207 personnes depuis la France, 21670 depuis le Japon, 25732 depuis l'Australie et 18139 depuis la Nouvelle-Zélande. Nous constatons que les départs vers la France, le Japon et la Nouvelle-Zélande sont moindre que les arrivées, la différence se retrouve sur les sorties vers l'Australie qui est plus forte que les arrivées.
Figure 7. Carte de l'offre d'hébergement et des flux touristiques de l'archipel néo-calédonienInformations[3]
Au premier plan une route, au second plan un complexe hôtelier de plusieurs étages au pied de la plage, la mer au dernier plan.
Figure 8. Hôtel Château Royal Beach Resort & Spa situé sur la baie de l'Anse Vata à NouméaInformations[4]
Au premier plan des palmiers, au dernier plan la mer.
Figure 9. Accueil en tribu à Lifou, Îles LoyautéInformations[5]

Alors que le tourisme « traditionnel » progresse difficilement, c'est surtout le tourisme maritime des bateaux de croisière qui a connu ces dernières années un véritable décollage.

Sur la période 1998-2018, le volume de croisiéristes a tout simplement été multiplié par 20. L'archipel calédonien profite ainsi pleinement de ce type de tourisme qui s'est fortement développé ces dernières années dans la région du Pacifique Sud bien qu'elle ne représente qu'une très faible part du marché mondial (environ 2% des passagers). Environ 150 paquebots (c'est 50 accostages et 100 000 croisiéristes de moins que l'année 2018 qui s'expliquent par l'arrêt de la rotation de deux bateaux en 2019 dans le cadre du renouvellement de la flotte de la compagnie maritime Carnival prévue en 2020 et 2021 par des navires de plus grande capacité.) embarquant 350 000 croisiéristes ont fait escale en Nouvelle-Calédonie en 2019 (Figure 10). Ces paquebots appartenant principalement à la compagnie maritime Carnival organisent des croisières de courte durée de 7 à 10 jours au départ de Sydney et Brisbane et proposent une ou plusieurs escales, actuellement à Nouméa, Lifou, l'Ile des Pins, Maré et Ouégoa (cette dernière ayant ouverte en 2019). L'archipel calédonien profite ainsi pleinement de sa position géographique stratégique, à proximité de l'Australie qui représente environ 75% des passagers régionaux et de la Nouvelle-Zélande, le deuxième plus important marché émetteur du Pacifique Sud.

Cependant, même si le nombre de croisiéristes est trois fois plus important que les touristes « traditionnels », avec une dépense moyenne de 50 euros destinées aux excursions et transports (IEOM, 2019), les retombées économiques de ce type de tourisme restent limitées (environ 16 millions d'euros en 2019 contre 210 millions pour les touristes qui arrivent par avion).

De la végétation au premier plan, un ponton au second, puis le paquebot dans une baie sur une mer turquoise.
Figure 10. Le paquebot "Pacific Sun" dans la baie du Santal, Easo à Lifou, Province des îles LoyautéInformations[6]

Quel devenir pour le secteur du tourisme d'ici 2050 ?

En mars 2018, le gouvernement calédonien avait approuvé une stratégie de développement touristique avec pour ambition d'accueillir plus de 200 000 touristes et 1 200 000 croisiéristes d'ici 2025. Avant la crise sanitaire, ces objectifs auraient été très difficiles à tenir, ils sont aujourd'hui devenus impossibles. Le secteur du tourisme avance à petits pas. Les contraintes de son développement sont nombreuses. La Nouvelle-Calédonie, au même titre que la majorité des îles du Pacifique Sud est tout d'abord handicapée par son isolement géographique entraînant des temps de transport longs, une offre limitée de liaisons et donc un coût d'approche de la destination conséquent. Un coût élevé de la vie, une carence de main d'œuvre qualifiée, une difficile coordination des différents acteurs du secteur, une insuffisance de visibilité de la destination à l'étranger et des marché porteurs, ou encore l'absence de compagnies aériennes « low cost » sont autant de freins structurels importants qui entraînent un déficit de compétitivité (Dumas, 2020). De par son important éloignement des marchés émetteurs de touristes (États-Unis et Europe) qui alimentent principalement les pays tournés vers le tourisme balnéaire situés dans le bassin méditerranéen et la Caraïbe (Gay, 2009), la Nouvelle-Calédonie capte principalement une clientèle régionale venant d'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Toutefois, ses voisins océaniens comme les îles Fidji ou le Vanuatu représentent des destinations fortement concurrentielles et offrent à moindre coût les mêmes paysages de cartes postales de sables blancs bordées de cocotiers.

De toutes les manières, la Nouvelle-Calédonie n'a sans doute pas la volonté de s'ouvrir au tourisme balnéaire de masse. En raison des contraintes évoquées en amont, la clientèle qu'elle vise est tout d'abord une clientèle aisée. De plus, elle s'est engagée ces dernières années dans le développement d'un tourisme durable à travers notamment la mise en œuvre d'activités et d'établissements écotouristiques. On peut notamment citer les ballades en pirogue à l'île des Pins, les sorties en mer pour l'observation des baleines dans le Grand Lagon Sud ou l'observation de la ponte des tortues grosses têtes à la Roche Percée à Bourail (encadrée par l'Aquarium des lagons). Nous pouvons aussi évoquer l'ouverture de l'hôtel Gondwana fin 2017 à Nouméa, le premier établissement d'Outre-mer certifié Haute Qualité Environnementale (HQE) répondant ainsi à l'objectif de réduire les impacts sur l'environnement des infrastructures hôtelières (réduction des déchets, meilleure gestion de la ressource en eau et en énergie avec notamment l'installation de chauffe-eau solaire et d'équipements intérieurs basse consommation)(IEOM 2017). L'inscription d'une grande partie du lagon calédonien à la liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 2008, puis en 2014 la création du Parc Naturel de la Mer de Corail qui avec 1,3 million de km² constitue la plus grande aire marine protégée de France et la quatrième de la planète (en 2018), illustrent tout autant l'accompagnement des politiques publiques vers un processus de durabilité.

Ainsi dans les années à venir les projets de développement devraient continuer à s'orienter vers l'écotourisme avec par exemple le développement de la plongée sous-marine et vers les niches touristiques tel que le marché très lucratif des mariages et des lunes de miel organisés pour la clientèle japonaise. Dans tous les cas, les formes de tourisme soutenable plus respectueuses de la nature et de la culture locale, pratiquées dans des conditions de réelle coviabilité (Dumas et Cohen, 2019), devraient être davantage valorisées et amenées à se développer. Elles pourraient devenir un secteur clé pour un développement durable du pays et constituer un levier de diversification économique et à terme, dans le contexte de « l'après nickel » lorsque les ressources minières seront épuisées, représenter un secteur de reconversion.

En ce qui concerne le tourisme de croisière si cette filière veut continuer à se développer, elle devra s'adapter et faire preuve davantage de régulation. En effet, de plus en plus d'habitants et responsables politiques des Îles Loyauté qui constituent aujourd'hui les principales escales des bateaux australiens (au-delà de Nouméa) semblent réfractaires au développement de ce secteur et estiment que les bénéfices générés par les croisiéristes ne font pas le poids face à leurs impacts environnementaux (dégradation des fonds marins, piétinements des plages par les milliers de visiteurs qui descendent à terre, difficile gestion de la ressource en eau, etc.) économiques (retombées relativement faibles) comme sociaux (fortes perturbations de la vie quotidienne des habitants, marquée par des traditions encore très vivaces au détriment de la coutume, de la religion et des activités traditionnelles comme l'agriculture vivrière et la pêche). Dans tous les cas, il parait nécessaire de rappeler que les sociétés îliennes traditionnelles ne ressortent pas exempt du développement du tourisme. Ce dernier permet certes une amélioration du niveau de vie, mais peut également être un élément déstabilisateur.