6. Des moyens d'alerte complémentaires qui se modernisent : l'exemple de Cannes
En France, les systèmes d'alerte et d'information des populations (SAIP) en cas de crise majeure sont en pleine réforme et on s'achemine vers une multitude de moyens complémentaires. En matière de tsunami, la survie des populations va fortement dépendre de la qualité et surtout de la rapidité de transmission de l'alerte. Mais avant même que cette alerte officielle ne soit transmise, pour confirmer ou infirmer l'arrivée du phénomène, plusieurs signaux précurseurs envoyés par la nature peuvent mettre les populations en « auto-alerte ». Il s'agit du séisme déclencheur ressenti, surtout quand on se trouve en bord de mer, des mouvements anormaux du plan d'eau, qui se traduisent le plus souvent par un retrait de la mer (mais ce n'est pas systématique), et d'autres signes parfois évoqués tels que des comportements anormaux d'animaux, des bruits en provenance de la mer, ou la formation brutale d'écume à la surface de l'eau. La sensibilisation des populations à ces signes annonciateurs doit rester une priorité des campagnes d'information préventive. L'expérience de Tilly Smith, une jeune écolière britannique de onze ans qui a sauvé la vie environ une centaine de touristes étrangers de la plage de Phuket en Thaïlande le 26 décembre 2004 en est le plus bel exemple. Deux semaines avant la catastrophe, en Angleterre, Tilly avait suivi un cours de géographie sur les tsunamis. Présente sur la plage d'un hôtel de Phuket ce 26 décembre, elle a ainsi pu établir immédiatement le lien entre le retrait rapide de la mer et la formation d'écume avec l'arrivée d'un tsunami. Elle a aussitôt prévenu ses parents qui ont alerté les autres touristes de la plage et le personnel de l'hôtel où elle passait ses vacances.
Rappelons qu'en Méditerranée, le délai entre la survenue du séisme et l'arrivée du tsunami sur les côtes françaises peut être très court, de l'ordre de la dizaine de minutes pour un séisme en mer Ligure, à 1h30 pour un tsunami provenant du littoral algérien. Pour répondre le plus efficacement à cette situation, la ville de Cannes s'est munie de nombreux systèmes d'alerte de sa population résidente ou touristique, et demeure un exemple à suivre. Il s'agit en premier lieu des sirènes dont le déclenchement automatique est centralisé en préfecture en cas événement imminent ou en cours de réalisation. Chaque sirène est testée tous les premiers mercredis du mois. Au nombre de six, elles peuvent également être déclenchées manuellement sur site par le service énergie de la ville.
En complément, la ville de Cannes s'est dotée de 250 haut-parleurs localisés sur le domaine public le long des axes routiers les plus vulnérables au risque inondation, dont 160 dans la bande littorale des 200 mètres. Trente-quatre haut-parleurs supplémentaires ont été installés le long de la promenade de la Croisette et cinq au Vieux-Port. Ils seront prochainement tous gérés par le Centre de Protection Urbain de la Police Municipale. L'intérêt premier est de pouvoir diffuser des messages d'alerte « tsunami » suite au déclenchement des sirènes (tableau 1).
ALERTE JAUNE | ALERTE ORANGE | ALERTE ROUGE | ||
|---|---|---|---|---|
Aucun message à la population. | Sur le littoral | Dans les terres | Sur le littoral | Dans les terres |
Alerte tsunami, alerte tsunami. Évacuer le bord de mer rapidement. | Alerte tsunami en cours, veuillez ne pas vous rendre sur les plages. | Alerte tsunami, alerte tsunami. Évacuer le bord de mer rapidement et rejoindre les hauteurs. | Alerte tsunami en cours, veuillez ne pas vous approcher du littoral. | |
Par ailleurs, la municipalité gère un dispositif d'alerte téléphonique en masse appelé « Cannes Alerte ». Ce système permet de diffuser une information auprès des citoyens volontairement inscrits à l'application ou automatiquement présents dans les annuaires publics. Les différents modes de communication utilisés sont les SMS, courriels ou messages vocaux. « Cannes Alerte » a par exemple été utilisé lors des vigilances rouge pluie-inondation, mais également lors de la crise sanitaire de la Covid-19. Cela représente près de 46 000 personnes dont 444 personnes rattachées à des Établissements Recevant du Public (ERP) et 54 kiosquiers du littoral susceptibles de répercuter l'alerte vers les baigneurs. Ces derniers, ainsi que d'autres professionnels du littoral, ont par ailleurs signé en 2019 une charte de prévention et de gestion du risque tsunami. Ils s'engagent notamment à être attentifs aux signes avant-coureurs d'un tsunami, à afficher les plans d'évacuation, et diffuser les consignes en cas d'alerte.
En complément, les nombreux panneaux à messages variables (PMV) présents à Cannes, gérés par le service de la régulation du trafic, peuvent aussi donner des informations en cas de risque majeur imminent. Le système de diffusion des alertes météo a même été automatisé, avec des messages qui ont été pré-enregistrés, ce qui permet dès réception d'un mail mentionnant une alerte météo, de diffuser les messages d'alerte à la population. Enfin, les réseaux sociaux constituent une plateforme d'échange importante entre la ville et la population. Ils permettent de suivre les événements en cours depuis le terrain, parfois en temps réel, via des posts. Ils sont également utiles pour établir des points de situation et tenir les habitants informés. Aussi, Cannes dispose-t-elle de comptes Facebook, Instagram et Twitter qui peuvent être mobilisés pour alerter et renseigner les populations en cas d'approche d'un tsunami.
Enfin, les dernières technologies en matière d'alerte des populations seront lancées en France au plus tard en 2022. Il s'agit de moyens centrés sur la localisation des individus en temps réel avec deux solutions.
La première, dénommée diffusion cellulaire (« Cell Broadcast », CB), consiste à diffuser sur les terminaux mobiles une notification dans une zone prédéfinie. Déjà opérationnelle depuis 1997 dans certains pays, elle ne nécessite pas la connaissance préalable des numéros des téléphones cibles. La technologie permet aussi de détecter la nationalité des utilisateurs des smartphones via leur numéro, et donc la réception d'une alerte qui peut être traduite dans la langue de l'utilisateur.
La seconde, appelée SMS géolocalisé (« Location-Based Short Message System », LB-SMS) permet l'envoi d'un SMS sur n'importe quel téléphone situé dans une zone prédéfinie. Le message passe par les canaux traditionnels de télécommunication (2G, 3G, 4G, 5G) via les antennes relais, puis il est délivré à chacun des téléphones mobiles rattachés à l'antenne. Contrairement au CB, il n'est pas nécessaire d'avoir une infrastructure dédiée et le coût de mise en œuvre est donc plus faible.
Ces solutions, imposées par l'Union européenne, permettront des alertes plus massives, plus rapides, sans risque de saturation des réseaux et spatialisées.