2. Un littoral français menacé
Les tsunamis peuvent surprendre les populations littorales parfois à des milliers de kilomètres de leur zone d'initiation (télé-tsunami ou tsunami transocéanique) et se déplacer à plusieurs centaines de km/h en pleine mer, ce qui leur permet par exemple de traverser la Méditerranée occidentale du Sud au Nord, depuis les côtes algériennes vers le littoral français, en moins de 90 minutes (tsunami régional).
Le séisme de Boumerdès survenu en Algérie le 21 mai 2003, d'une magnitude de 6,9, a ainsi provoqué une onde de tsunami observée le long de toutes les côtes espagnoles et françaises de Méditerranée. Il a été enregistré par de nombreux marégraphes et le long des côtes françaises, les amplitudes du tsunami ont été de l'ordre d'une dizaine de centimètres. Une enquête de terrain a permis de montrer que huit ports de plaisance de la Côte d'Azur avaient connu des baisses importantes du niveau de la mer (50 cm à 1,5 m), des purges de bassins, de forts tourbillons et courants, des embarcations endommagées, des déplacements de corps morts, compatibles avec des phénomènes de résonances portuaires. Les effets ont été observés sur le littoral azuréen 1h16 après le séisme (figure 1).
Quant à eux, les tsunamis prenant naissance au plus proche des côtes (tsunami local), par exemple en mer Ligure, peuvent atteindre la côte d'Azur en moins de 20 minutes suivant les modèles numériques, réduisant ainsi le délai de mise en sécurité des populations (figure 1). Bien que de faible amplitude, avec des vagues modélisées de l'ordre du mètre, de tels évènements pourraient engendrer des pertes humaines, en particulier au niveau des plages bondées de la période estivale, du fait de la vitesse du courant, des phénomènes de flux et de reflux, des débris flottants et les effets de mouvements de foule engendrés. Le scénario majeur de source proche le plus probable est celui du séisme de mer Ligure survenu le 23 février 1887, de magnitude 6,5. Un tsunami y avait été observé à Antibes, et dès la première secousse, la mer s'était brusquement retirée sur environ un mètre, laissant à sec des bateaux de pêche et des poissons sur le sable. Puis, une vague haute de deux mètres était venue couvrir les plages. D'après les témoignages, au moment de la secousse, à Cannes et Antibes, la mer s'était abaissée d'un mètre pour remonter ensuite de deux. Par ailleurs, la rupture subite en deux points distincts du câble télégraphique sous-marin installé entre Antibes et la Corse, a permis de supposer que l'amplitude variable de ce tsunami a été amplifiée par des glissements de terrain, mobilisant des dépôts sédimentaires récents de la marge ligure.
Un autre événement, plus récent, a frappé le littoral d'Antibes le 16 octobre 1979, démontrant au passage l'effet de surprise qui peut être total en l'absence de signes précurseurs. Il s'agit du tsunami de source locale ayant affecté les côtes de France métropolitaine le mieux documenté. Ce jour-là, une partie du chantier de construction du nouveau port de commerce de Nice, adjacent à l'aéroport Nice-Côte d'Azur, glisse en mer sous les pieds des ouvriers, déclenchant un tsunami qui submerge les quartiers de La Salis et de La Garoupe à Antibes, tuant 8 personnes et entraînant de nombreux dégâts (automobiles, magasins, restaurants et autres commerces détruits). Les effets du tsunami sont ressentis de Menton, commune située à 30 km au nord-est de Nice, jusqu'aux îles du Levant situées à 90 km. Plusieurs marégraphes ont enregistré des variations du niveau marin, dont ceux de Nice Lympia, Villefranche-sur-Mer, Cagnes, Mandelieu-la-Napoule, Monaco, ou encore celui des îles du Levant. Les élévations observées atteignirent 2,5 m sur le site de Nice, jusqu'à atteindre moins d'1 mètre à Cannes et Beaulieu-sur-Mer. La seule exception est le cas d'Antibes-La Salis où les effets du tsunami ont été amplifiés, atteignant une élévation du niveau de la mer de 3,5 mètres. Les témoignages et les rapports analysés par A. Sahal en 2011 confirment que l'arrivée du phénomène au niveau de la plage de la Salis a été précédée d'un retrait de la mer, suivi ensuite de hausses et de baisses par alternance, avec une période oscillant autour de 8-9 minutes. Le phénomène a ainsi été observé à Antibes durant une trentaine de minutes.