4. Le rôle des communes et de leurs groupements dans la prévention des risques littoraux

Les communes et leurs groupements sont également en charge de la prévention des risques littoraux. En premier lieu, elles doivent agir à travers leurs documents d'urbanisme en retenant un classement approprié pour les différents secteurs exposés aux risques littoraux. Ainsi, dans leur plan local d'urbanisme, elles peuvent élargir à plus de 100 mètres, la « bande littorale » dans laquelle les nouvelles constructions sont interdites (art. L. 121-19 du code de l'urbanisme). Cette possibilité prévue dès l'origine par la « loi littoral » du 3 janvier 1986 aurait dû permettre aux communes d'éviter les nouvelles constructions dans les secteurs exposés aux risques littoraux. Mais force est de constater que très peu d'entre elles ont eu recours à cette possibilité.

Complément

Considérant qu'aux termes (...) du code de l'urbanisme : "En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ... le plan d'occupation des sols peut porter la largeur de la bande littorale ... à plus de cent mètres, lorsque des motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l'érosion des côtes le justifient" ; que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'interdire aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de délimiter une zone littorale ND inconstructible excédant la largeur de 100 mètres à compter du rivage, alors même qu'aucun motif lié à l'érosion des côtes ou à la "sensibilité du milieu" ne serait invoqué ;

Conseil d'État, 21 avr. 1997, Commune de Telgruc-sur-Mer, n. 137565

En outre, depuis l'ordonnance du 17 juin 2020, les groupements de communes compétents doivent définir dans leur schéma de cohérence territoriale « la prévention des risques liés à la mer ainsi que, s'il y a lieu, l'organisation du retrait stratégique, notamment par l'identification des zones rétro-littorales propices au développement de l'habitat » (art. L. 141-13 du code de l'urbanisme). Cette disposition innovante devrait permettre de prévoir à plus ou moins long terme, à l'échelle de l'intercommunalité, le déplacement des constructions exposées aux risques littoraux. Mais il est probable que le coût du transfert ou le manque d'adhésion de la population ne vont pas inciter les auteurs des Scot faire preuve d'audace. Enfin, indépendamment de ce qui est prévu dans les documents d'urbanisme ou dans leurs annexes, le maire est tenu de refuser une autorisation d'urbanisme ou de ne l'accepter que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si l'opération envisagée est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations (art. R. 111-2 du code de l'urbanisme).

Complément

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ; que, pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du 14 mai 2014, émis par la direction départementale des territoires et de la mer (DTTM) sur la demande de permis de construire présentée par M. et MmeB..., et n'est pas contesté, que le terrain d'assiette de la construction projetée est situé, selon la carte d'aléas de submersion marine extraite du projet de plan de prévention des risques littoraux (PPRL) d'octobre 2012, dans la zone d'aléa moyen exposée au risque de submersion marine, correspondant à un niveau d'eau compris entre 0,50 mètre et 1 mètre ; que ce risque de submersion résulte des scénarios de défaillance (brèche) retenus par le projet de plan portant, notamment, sur la digue de Sébastopol et la digue de la Grande Rouche sur la côte sud-est de l'île de Noirmoutier ; qu'il est constant que le projet d'extension litigieux comporte sur cette parcelle dont la cote NGF s'établit à 2,30 mètres, un plancher habitable à la cote de 2,31 mètres NGF, inférieure à la cote de référence de 3,10 mètres NGF déterminée à la suite de la tempête Xinthia et présente donc un risque de submersion de 0,80 mètres ; que l'arrêté du 19 juin 2014 du maire mentionne expressément ce risque et précise, d'ailleurs, qu'il y a lieu de fixer, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, des prescriptions spéciales destinées à assurer la sécurité des personnes, lesquelles ne portent, cependant, dans cet arrêté, que sur les clôtures et les éventuelles cuves de stockage de produits dangereux ou polluants, la réalisation d'un plancher habitable à la cote de 3,10 mètres NGF ne faisant l'objet que d'une simple recommandation ;

5. Considérant que la commune de Barbâtre fait valoir que des travaux ont été engagés sur les digues dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations de l'Ile de Noirmoutier 2013-2018 (PAPI) et produit une expertise, au demeurant non datée, remettant en cause, sur certains points, " la méthodologie d'élaboration du projet de plan de prévention des risques littoraux " ; que, toutefois, d'une part, il n'est pas établi que ces travaux suffiraient à écarter tout risque de submersion marine dans le secteur considéré ; que, par suite, et en tout état de cause, la commune ne peut soutenir que la circulaire du 27 juillet 2011 aurait illégalement imposé de ne pas prendre en compte, lors de l'élaboration des plan de prévention des risques littoraux, les travaux de protection contre la mer qui n'étaient pas achevés à la date de leur approbation ; que, d'autre part, les énonciations de l'expertise produite par la commune sont contredites par une étude réalisée par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), dont il n'est pas contesté qu'il constitue l'organisme national de référence en matière d'évaluation des risques, qui précise que les modalités techniques de modélisation des défaillances sur lesquelles est fondé le projet de plan de prévention sont " conformes à l'état de l'art et à la connaissance disponible sur les ouvrages existants ", que la digue de Sébastopol, qui a connu un " événement de brèche en 1979 " et une " surverse en 2010 ", ainsi que la digue du Bois qui la jouxte " présentent une sensibilité à la surverse " justifiant dans le cadre de l'élaboration du plan " la présence d'au moins une brèche " dans ces ouvrages, et que la digue de la Grande Rouche, qui présente la même " sensibilité à la surverse ", justifie également " la simulation d'une brèche " ; que, dans ces conditions, et alors même que le terrain en cause n'aurait jamais été inondé et que le projet comporte un étage, lequel, au demeurant, ne comporte pas d'accès direct sur l'extérieur permettant l'évacuation des personnes dans des conditions de sécurité suffisantes, le maire de Barbâtre, en délivrant, le 19 juin 2014, à M et Mme B...le permis de construire qu'ils sollicitaient, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 19 juin 2014 du maire de Barbâtre accordant un permis de construire à M. et Mme B...ainsi que la décision du 8 septembre 2014 par lequel ce maire a rejeté le recours gracieux formé par le sous-préfet des Sables-d'Olonne doivent être annulés.

CAA Nantes, 14 déc. 2016, Préfet de la Vendée, n. 15NT03314

Par ailleurs, suite au transfert de la compétence « Gemapi » prévu par la loi « Maptam » du 27 janvier 2014, ce sont désormais les intercommunalité qui sont en charge de la gestion des « systèmes d'endiguement » nécessaires à la prévention des inondations et des submersions. Toutefois, le transfert de la gestion des digues domaniales appartenant à l'État n'interviendra qu'au 28 janvier 2024. L'épilogue judiciaire de la tempête Xynthia a bien montré à quel point la gestion de ces ouvrages est cruciale pour la prévention des risques littoraux (v. supra). Il apparaît toutefois que la gouvernance actuelle des risques littoraux n'est pas adaptée : les « cellules hydro-sédimentaires » au sein desquelles se développent les phénomènes d'érosion et de submersion coïncident rarement avec le territoire des intercommunalités existantes. Par ailleurs, ces intercommunalités ne disposent pas toujours des ressources financières suffisantes pour gérer convenablement les ouvrages existants ou en construire de nouveaux. Elles deviennent alors dépendantes des décisions prises par d'autres instances telles que la commission mixte inondations qui décide au plan national de l'attribution des financements. Les établissements publics territoriaux de bassin (art. L. 123-12 du code de l'environnement) et les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (art. R. 213-49 du code de l'environnement) sont également concernés par la gestion des risques littoraux. Le transfert en cours de la gestion des ouvrages de défense contre la mer aux groupements de commune appelle ainsi la mise en place d'une gouvernance nouvelle qui devra sans doute être précisée par le législateur dans les années à venir.

Inspection générale de l'administration, Conseil général de l'environnement et du développement durable, Evaluation des conséquences de la mise en œuvre des compétences dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI), Rapport au Gouvernement, 21 oct. 2019

Recommandation n°4

Utiliser la GEMAPI pour faire émerger une approche nouvelle de la défense contre la mer et favoriser la constitution d'EPTB côtiers dédiés à la gestion du littoral exerçant leur compétence à l'échelle d'une ou de plusieurs cellules hydro-sédimentaires.

Enfin, les communes ont une responsabilité particulière en matière d'information de la population. En effet, d'une manière générale, la prévention des risques repose autant sur l'adoption de mesures de protection que sur la bonne information des personnes exposées. Ainsi, à partir du DDRM qui leur est transmis par le Préfet, les communes doivent élaborer un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) qui doit être tenu à la disposition des administrés en mairie (art. R 125-11 du code de l'environnement). Le DICRIM indique les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde répondant aux risques majeurs susceptibles d'affecter la commune. Ces mesures comprennent, en tant que de besoin, les consignes de sécurité devant être mises en œuvre en cas de réalisation du risque. Ces consignes doivent être portées à la connaissance du public par voie d'affiche dans un certain nombre de lieux stratégiques (art. R. 125-12 du code de l'environnement).

Document d'information distribué par la commune pour informer sur les risques majeurs. Sont présents les consignes, les types de risques et les procédures d'alerte des populations.
Figure 10. Exemple : le DICRIM de la Faute-sur-MerInformations[1]

Dans les communes sur le territoire desquelles a été prescrit ou approuvé un plan de prévention des risques naturels prévisibles, le maire doit en outre informer la population au moins une fois tous les deux ans, par des réunions publiques communales ou tout autre moyen approprié, sur les caractéristiques du ou des risques naturels connus dans la commune, les mesures de prévention et de sauvegarde possibles, les dispositions du plan, les modalités d'alerte, l'organisation des secours, ainsi que sur les mesures prises par la commune pour gérer le risque (art. L. 125-2 du code de l'environnement). Cette information est délivrée avec l'assistance des services de l'Etat compétents. Ce dispositif s'applique également dans les communes qui, sans être couvertes par un PPRN, sont désignées par arrêté préfectoral comme étant exposées à un risque majeur.