3. Le rôle de l'État dans la prévention des risques littoraux

L'État, en premier lieu, a la responsabilité d'adopter les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) afin de délimiter les zones exposées aux risques et de définir les mesures de prévention appropriées (art. L. 562-1 du code de l'environnement).

Article L562-1 du code de l'environnement :

I.-L’État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones.

II.-Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin :

1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ;

2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ;

3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ;

4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs.

III.-La réalisation des mesures prévues aux 3° et 4° du II peut être rendue obligatoire en fonction de la nature et de l'intensité du risque dans un délai de cinq ans, pouvant être réduit en cas d'urgence. A défaut de mise en conformité dans le délai prescrit, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d'effet, ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du propriétaire, de l'exploitant ou de l'utilisateur.

IV.-Les mesures de prévention prévues aux 3° et 4° du II, concernant les terrains boisés, lorsqu'elles imposent des règles de gestion et d'exploitation forestière ou la réalisation de travaux de prévention concernant les espaces boisés mis à la charge des propriétaires et exploitants forestiers, publics ou privés, sont prises conformément aux dispositions du titre II du livre III et du livre IV du code forestier.

V.-Les travaux de prévention imposés en application du 4° du II à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités.(...)

Lorsqu'ils sont appliqués à l'ensemble des risques littoraux, ces plans sont qualifiés de « PPRL » ; et lorsqu'ils ont seulement pour objet la prévention de la submersion marine, ils sont qualifiés de « PPRSM ».

Carte d'un littoral dont les rues tracées en gris sont recouvertes d'aplats de couleurs indiquant le zonage réglementaire (B0, B1, Rc, Rn, Ru).
Figure 8. Un exemple de PPRL : Le zonage varie du rouge (exposition directe au risque) au bleu (exposition indirecte au risque).Informations[1]

En fonction de la gravité du risque, le plan peut interdire les constructions ou les soumettre à des prescriptions techniques particulières (surélévation, création obligatoire d'un étage, installation du compteur électrique à l'étage etc.). Les propriétaires d'habitations situées dans les zones à risques peuvent être mis en demeure de réaliser les travaux ou aménagements nécessaires dans un délai de cinq ans qui peut être raccourci en cas d'urgence. A défaut de mise en conformité dans le délai prescrit, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d'effet, ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du propriétaire, de l'exploitant ou de l'utilisateur (art. L. 562-1 III du code de l'environnement). Obligatoirement annexées aux plans locaux d'urbanisme des communes, les servitudes d'utilité publique que contiennent ces plan sont opposables aux demandes d'autorisations d'urbanisme. L'autorité compétente pour statuer sur ces demandes d'autorisation (le plus souvent le maire) est dès lors tenu d'opposer un refus dès lors que le projet ne respecte pas les interdictions ou les prescriptions édictées par le plan. Par ailleurs, dans le communes couvertes par un PPRN, les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence de ces risques (art. L. 125-5 du code de l'environnement).

En second lieu, dans chaque département, le Préfet est tenu d'établir un dossier départemental sur les risques majeurs (art. R 125-11 du code de l'environnement) qui comprend l'énumération et la description des principaux risques, l'énoncé de leurs conséquences prévisibles pour les personnes, les biens et l'environnement, la chronologie des événements et des accidents connus et significatifs de l'existence de ces risques et l'exposé des mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde prévues par les autorités publiques dans le département pour en limiter les effets. Ce DDRM doit être actualisé au plus tard tous les cinq ans, et il doit être communiqué aux maires des communes concernées par les différents risques identifiés.

Par ailleurs, dans chaque département, le Préfet, en tant que représentant de l'֤État, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois (art. 72-6 de la Constitution). A ce titre, il doit contrôler la légalité des actes pris par les collectivités territoriales, notamment en matière de risques naturels. Il doit ainsi demander aux collectivités de modifier ou de retirer les documents et les autorisations d'urbanisme susceptibles d'exposer les populations aux risques littoraux. Et en cas de refus, il doit saisir le juge administratif afin qu'il annule ces actes. La responsabilité de l'État peut être engagée pour faute lourde en cas de défaillance de ce contrôle.

8. En quatrième lieu, les carences de l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales ne sont susceptibles d'engager sa responsabilité que si elles constituent une faute lourde.

9. Selon les termes de l'arrêté du 6 mai 2009, le maire de la commune d'Yves a autorisé la SAS Francelot à aménager un lotissement sur la parcelle cadastrée section AC n° 188, en indiquant notamment que le " terrain est situé dans une zone d'aléa moyen dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels de l'estuaire de la Charente, tous les principes de précaution pour limiter les risques de submersion devront être pris ". A la date du permis en litige, aucun élément concernant les risques de submersion du littoral de la Charente-Maritime ne permettait de conclure au classement de cette parcelle en zone inconstructible avant le retour d'expérience consécutif à la tempête Xynthia. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas commis de faute lourde dans l'exercice du contrôle de légalité en ne déférant pas le permis d'aménager au tribunal administratif.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Francelot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions indemnitaires.

CAA Bordeaux, 7 juin 2018, SAS Francelot, n. 16BX02869

Enfin l'État, peut intervenir en faisant l'acquisition des biens exposés à la submersion marine. Cette acquisition peut avoir lieu à l'amiable lorsque que le risque menace gravement la vie humaine et que cette opération s'avère moins onéreuse que les mesures de protection (art. L. 561-3 du code de l'environnement). Les communes et leurs groupements peuvent en faire autant. En cas de refus du propriétaire, l'acquisition peut avoir lieu par le biais de l'expropriation (art. L. 561-1 et suiv. du code de l'environnement). La décision est prise par les ministres concernés, et la procédure est exécutée par le préfet. Ce type d'intervention de l'État peut permettre de résoudre les cas les plus graves (La Faute-sur-Mer), mais il n'est sans doute pas généralisable à l'échelle de l'ensemble des territoires côtiers en raison de son coût très important. En outre, ce dispositif s'applique au risque de submersion marine et non à celui de l'érosion côtière. Avec la montée du niveau des océans et la multiplication des propriétés exposés aux risques littoraux, le législateur devra très certainement intervenir pour prévoir une dispositif plus adapté.

Sur une vue satellite est tracé en rouge un secteur ou il n'y a plus d'habitations, tout autour il y a encore des quartiers résidentiels.
Figure 9. La Faute-sur-Mer : secteur dans lequel l'État a racheté les propriétés submergées en 2010 et les a détruites.Informations[2]