2. La prévention des risques littoraux dans les communes balnéaires à l'horizon 2050
L'urbanisation relativement tardive du littoral par rapport au reste du territoire national est notamment due à l'existence de risques importants qui ont longtemps dissuadé les populations de s'installer sur un territoire perçu comme dangereux et inhospitalier. Si les risques anciens liés aux activités humaines ne sont plus d'actualité (invasions, piraterie, contrebande), les risques naturels sont toujours présents (inondation, tempêtes, mouvements de terrain) et ils sont susceptibles d'être aggravés par les risques spécifiques que sont la submersion marine et l'érosion côtière. La stabilisation du trait de côte, initiée au début du XIXe siècle (plantations forestières, concessions d'endigage), et la réalisation de nombreux ouvrages de défense contre la mer ont permis de limiter ces risques. C'est ainsi que la plupart des « communes balnéaires » ont pu sortir de terre, les espaces gagnés sur la mer étant les plus convoités par les nouveaux habitants du littoral.
La frénésie immobilière qui s'est emparée des côtes dans la seconde moitié du XIXe siècle et qui n'a jamais vraiment cessé de s'intensifier (nonobstant les restrictions à l'urbanisation établies par la « loi littoral » du 3 janvier 1986) a eu pour effet de considérablement renforcer les risques littoraux. En effet, les phénomènes naturels littoraux (aléas) ne représentent pas de risque, à proprement parler, dès lors que les personnes et les biens n'y sont pas exposés. C'est bien la présence humaine qui fait de ces aléas des risques stricto sensu. Les endigages et autres aménagements ont certes permis de les faire diminuer, mais ils ne les ont pas supprimés. En outre, selon les prédictions du GIECC, l'élévation du niveau des océans et l'accroissement de la fréquence des fortes tempêtes devrait accroître l'exposition des communes balnéaires aux risques littoraux à l'horizon 2050.
La tempête Xynthia qui a frappé la côte atlantique dans la nuit du 27 au 28 février 2010 a illustré, de manière dramatique, la nécessité de prévenir efficacement les risques littoraux. Sous l'effet combiné de la grande marée, de la force des vents ainsi que des précipitations, plusieurs digues ont cédé et de nombreuses communes littorales ont été submergées. Au-delà des dégâts matériels qui ont été très importants, 47 personnes sont décédées, nombre d'entre elles ne pouvant s'échapper de logements sans étage construits sur des terrains situés en dessous du niveau de la mer. La commune la plus touchée est sans conteste celle de La Faute-sur-Mer, en Vendée, puisque 29 personnes y ont trouvé la mort.
Les actions contentieuses entreprises à la suite de cette catastrophe ont permis de mettre en lumière la diversité des responsabilités en matière de prévention des risques littoraux. Ainsi, dans un arrêt du 10 décembre 2019 (n. 18NT01531), la Cour Administrative d'Appel de Nantes a reconnu non seulement la responsabilité de la commune de La Faute-sur-Mer, mais aussi la responsabilité de l'État ainsi que celle de l'association syndicale gestionnaire de la digue défectueuse. La commune a été condamnée pour plusieurs motifs : en premier lieu pour n'avoir pas entrepris à temps les travaux de rehaussement de la digue alors même qu'elle avait reçu les subventions de l'État pour ce faire. En second lieu, au motif qu'elle n'avait réalisé ni le document d'information communal sur les risques majeurs (ci-après DICRIM), ni le plan communal de sauvegarde, ni mis en place une quelconque organisation des secours en cas d'inondation. Enfin, en dernier lieu, elle a été condamnée pour avoir délivré un permis de construire assorti d'une prescription établie au regard de données erronées ce qui a conduit à minorer l'exposition au risque de submersion d'un terrain proche de la digue.
Pareillement, l'État a été condamné pour plusieurs manquements : d'abord, pour n'avoir pas exercé sa tutelle en clarifiant les compétences des deux associations syndicales responsables de la digue et en exigeant la réalisation des travaux nécessaires dans les meilleurs délais. Ensuite, l'État a été condamné pour n'avoir pas réalisé à temps le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), l'hostilité des élus locaux à ce plan n'étant pas une cause d'exonération valable. Enfin, l'association syndicale en charge de l'entretien de la digue a été condamnée pour n'avoir pas suffisamment attiré l'attention des autres personnes publiques sur la nécessité de réaliser des travaux. Cette affaire emblématique montre que ce sont principalement l'État et les communes ou leurs groupements qui ont la charge de la prévention des risques littoraux.