2.1 De la prevention à la précaution

La prévention et la précaution font appel à la rationalité et à la responsabilité. Ce sont des démarches qui pensent une prospective sociale fondée sur une éthique et sur des valeurs de solidarité. Mais si les deux appartiennent au champ du risque, la prévention prend en compte la connaissance pour anticiper ces risques et apporter une réponse qui permet d’en prévenir les effets dommageables, alors que la précaution prend place quand la science ne permet pas encore de connaître les conséquences d’une technologie ou de la mise en circulation d’un produit. (Neuilly, 2008(2008). De préférence à prévision et prospective. Education Permanente.)

La prévention s’applique à un risque identifié alors que la précaution relève de la gestion de l’incertitude. Ainsi la prévention s’appuie sur l’évaluation et met en place une régulation des actions par rapport aux risques potentiels détectés par cette évaluation. C’est par rapport aux risques que présente notre environnement que les structures chargées de la prévention vont informer et former les individus pour qu’ils puissent y faire face et ensemble concevoir et organiser leur sécurité. L’éducation à la prévention  prend place dans les programmes scolaires dès l’école primaire.
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 Loi de modernisation de la sécurité civile du 17 août 2004 en France. Le chapitre 1 du Titre II précise que la sensibilisation à la sécurité civile est un concept qui doit être mis en place dès la scolarisation : «Tout élève bénéficie, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi qu’à un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours. » Article L.312-13-1.
 

2.1.1 L’émergence du principe de précaution

Le principe de précaution est apparu pour la première fois en droit international dans la Déclaration de Londres adoptée en novembre 1987 par la deuxième Conférence sur la mer du Nord. Il constitue le dixième des grands principes de la Déclaration de Rio (Sommet de la Terre, en juin 1992). Il se positionne dans la suite du Rapport Bruntland pour un développement durable. Il a été défini en droit français dès 1995 puis en droit européen.

Pour présenter ce principe, un retour sur des notions qui ont permis son élaboration est nécessaire, comme l’incertitude et la vulnérabilité. A l’origine de ce principe, ce sont la complexité du monde moderne, l’incertitude quant aux effets de nos technologies et plus largement de nos décisions, et la prise de conscience de la vulnérabilité de nos sociétés, que l’on va trouver ; "Le progrès apparaît une notion dépassée et fallacieuse, la science ne nous donne pas de réponses sur beaucoup de points, alors qu’en est- il de la dangerosité d’un produit ou d’une manipulation génétique ? '

La précaution proposera un moratoire ou bien demandera l’arrêt définitif du processus existant.
Pour ne pas nuire aux activités sociales avec leur retentissement économique, tout ceci devra prendre en compte l’intérêt des groupes concernés qui doivent ainsi suspendre leur activité.
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Par l'article 200- 1 du Code rural de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement selon lequel « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable».
La Commission européenne définit le Principe de précaution en 1998 : « Le principe de précaution est une approche de gestion des risques qui s’exerce dans une situation d’incertitude scientifique. Il se traduit par une exigence d’action face à un risque potentiellement grave sans attendre les résultats de la recherche scientifique ».
En droit européen, le traité de Maastricht pose à l'article 130 R que «la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, et sur le principe pollueur- payeur ».
 

2.1.2. quand la précaution devient une règle

La précaution va générer un nouveau modèle de responsabilité et va poser une exigence inédite en matière de responsabilité, celle du risque de développement. Elle propose de rendre responsable le fournisseur d’un produit, ou d’un service, qui n’aurait pas prévu une des conséquences porteuses d'un risque qui se manifesterait a posteriori. Ceci va à l’encontre d’une tradition en matière juridique de non rétroactivité de la loi. Pour le Code civil (art.1382), on ne pouvait être sanctionné que par ce que l’on connaissait au moment de l’action. Une des conséquences de ce bouleversement pourrait être de freiner l’innovation. Ceci conjugué au principe de responsabilité qui ne touche pas seulement les tenants de la deep ecology, mais toute une fraction de l'écologie qui voit la technologie, non pas comme permettant un progrès pour l’homme, mais comme une charge destructrice d’une nature non pensée par l’homme, d’une Nature existant en soi. 

L’essentiel du principe de précaution peut se résumer ainsi, en retenant les éléments donnés par les professeurs Kourilsky et Viney (Kourilsky & Viney, 2000(2000). Le principe de précaution : rapport au premier ministre. Paris: La documentation française.) : 

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Les professeurs Kourilsky et Viney définissent le principe de précaution et en déduisent  l’attitude que doit observer « toute personne qui prend une décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu’elle comporte un danger grave pour la santé ou la sécurité des générations actuelles ou futures ou pour l’environnement. Il [ce principe] s’impose spécialement aux pouvoirs publics qui doivent faire prévaloir les impératifs de santé ou de sécurité sur la liberté des échanges entre particuliers et entre Etats. Il commande de prendre toutes les dispositions permettant, pour un coût économiquement et socialement supportable, de détecter et d’évaluer le risque, de le réduire à un niveau acceptable et si possible de l’éliminer, d’en informer les personnes concernées et de recueillir  leurs suggestions sur les mesures envisagées pour le traiter. Ce dispositif de précaution doit être proportionné à l’ampleur du risque et peut être à tout moment réveillé » (op.cit. p. 214-215).
 
Référence bibliographique

Neuilly, M.-T. - (2008). De préférence à prévision et prospective. Education Permanente.

Référence bibliographique

Kourilsky, P., & Viney, G. - (2000). Le principe de précaution : rapport au premier ministre. Paris: La documentation française.