Définir les modalités de gestion de la pollution des sols

2.5.3 Bioremédiation ex situ : biotertre & bioréacteurs

Biotertres ( = biopiles) :

La terre excavée permet de constituer des tas de terre de différentes volumes (andains : quelques m3 ; biotertres : peuvent atteindre plusieurs centaines de m3 et plusieurs dizaines de mètres de long (<10 mètres de large et de 1 à 3 mètres de hauteur (hauteur limitée pour éviter les tassements)).

Biotertre dynamique : régulièrement la terre est retournée mécaniquement. Le sol est posé sur une semelle étanche (dalle de béton ou membrane géotextile) où se fait la collecte des lixiviats. Le dispositif est surmonté d'une couverture (bâche, serre, hangar fermé). Le retournement peut se faire à la pelle mécanique. Pendant le traitement, un contrôle de température et d'humidité doit au minimum être réalisé. La température oscille entre 30 et 55°C lorsque du compost est ajouté. On doit aussi contrôler les effluents (eau, gaz).

Biotertre statique (Figure 018) : absence de retournement mais en général ventilé. Il est composé d'un soubassement étanche temporaire (membrane géotextile) ou permanent (dalle), de drains d'irrigation installés à différents niveaux, qui assurent la circulation des fluides (air, eau, nutriments), d'un système de drainage assuré par la mise en place d'un lit de gravier ou de sable et d'une ventilation pour l'aspiration de l'air. Les effluents gazeux, avec des teneurs en gaz en général trop faibles pour être incinérés, sont traités par adsorption sur charbon actif. (Ex : réduction de la teneur en gazole à 800 ppm après quelques mois de traitement par biostimulation de 2300 m3 de terre polluée à 2800 ppm (tas de 1,80 m de hauteur)).

Aspersion avec Ajout de nutriments ; Injection d'air frais > Drainage des Lixivats et Purification > Extraction de l'air vicié. (photo d'un tas de terre polluée avec des tuyaux partout).
Figure 018 : Principe (à gauche) et exemple (à droite) de biotertre statique.

Maîtrise des paramètres de traitement :

- Aération. C'est le facteur limitant. On distingue la diffusion de l'air dans la porosité disponible et de l'O2 dans la phase aqueuse baignant la microflore aérobie épuratrice.

L'aération passive met en jeu la diffusion et la convection des gaz (effet simultané des variations thermiques et du dégagement de CO2 au sein du biotertre). L'oxygénation est dépendante de la porosité et donc de la structure du sol – l'apport de matériaux structurants (paille, écorces) augmente sa porosité – du rapport surface du tas/volume et du taux d'humidité qui peut réduire le volume des espaces lacunaires. L'inconvénient majeur est une cinétique hétérogène avec une teneur en O2 nulle dans les zones à plus de 80 cm de la source d'O2, c'est-à-dire depuis l'extérieur du tas d'où des temps réactionnels 5 à 10 fois plus longs.

L'aération active est la seule solution lorsque le tas se tasse et que la porosité diminue ou lorsque le tas est très important. L'aération se fait par retournement des andains ou par ventilation forcée dans le cas des installations fixes – canalisations dans les aires bétonnées avec grilles d'aération en caillebotis ou des conduits souples – pour lesquels on détermine l'aération nécessaire en fonction des besoins en O2 et des pertes de charge. Les pertes de pression sont plus faibles avec les systèmes de ventilation soufflante qu'avec les systèmes d'aspiration.

Le calcul de l'aération tient compte des paramètres suivants : 1/ longueur et largeur du biotertre, 2/ perméabilité du sol remis en place (doit être >10-12 m² soit 1 Darcy) – on peut coupler l'aération au drainage pour augmenter la perméabilité ou ajouter des agents structurants, 3/ rayon d'action de chaque drain, 4/ section de la tuyauterie, 5/ maîtrise des pertes de charge pour assurer l'homogénéité de l'aération, ce qui implique de faibles valeurs de dépression (0,25 atm pour une perméabilité de 10-11m² soit 0,1 Darcy). On admet que l'aération avec un débit compris entre 0,015 et 0,155m3/s est suffisante pour un biotertre de 30 m de long et de 3 m de rayon.

Maîtrise des paramètres de traitement :

- humidité. Une humidité trop élevée peut se traduire par la création d'une nappe d'eau perchée et bloquer les échanges gazeux. Il faut donc maintenir l'humidité < 60% de la capacité de rétention bien que des taux de dégradation constants aient été maintenus pour des humidités comprises entre 20 et 80% de la capacité de rétention. On notera qu'il est plus facile de gérer une humidité faible.

- Nutriments. Surtout NH4Cl ou Na2HPO4 qui peuvent être fournis au moment de l'homogénéisation et/ou peuvent être rajoutés à l'eau percolant pour maintenir l'humidité. C/N/P est souvent 300/10/1 mais peut être réduit à 70/5/1. On peut aussi utiliser de la cellulose sous forme de rafle de maïs ou de paille de blé.

- pH. Doit être maintenu entre 6 et 8. Les hydrocarbures sont mieux dégradés dans un sol légèrement alcalin d'où l'intérêt de chauler ou si le sol est trop alcalin d'apporter du (Al)2(SO4)3.

- Température. N'influe pas énormément les performances de bioremédiation. On recommande cependant d'arrêter l'injection d'eau pendant l'hiver

- Microflore. En général, le traitement en biotertre est aérobie mais il est parfois nécessaire de dégrader les polluants par des systèmes mixtes aérobies-anaérobies (ex mélange de PCB avec <2-3 cycles dégradé en aérobiose et >2-3 cycles dégradés en anaérobiose).

Le double problème posé par l'aération et par le maintien de l'humidité s'est traduit par l'emploi d'agents structurants (augmentation de la porosité et éventuellement apport de co-substrats) qui gardent l'eau (Ex : terre argileuse avec apport de perlite).

La réussite du procédé passe par une bonne homogénéisation microorganismes/nutriments /polluants/O2/eau.

La maîtrise de l'évaporation réduit le coût du traitement des effluents gazeux.

Bioréacteurs

On utilise cette méthode (appelée aussi bioslurry) pour des sols et des boues contaminées par des substances peu biodégradables (à des concentrations comprises entre 2,5 et 250 g/kg) et pour des boues fortement argileuses (>40%), difficiles à traiter par d'autres méthodes (polluants inaccessibles ou fortement liés à l'argile). La présence de métaux peut inhiber la dégradation des polluants organiques. Ce procédé permet de traiter une gamme étendue de polluants organiques (pesticides, carburants, huiles, pentachlorophénol, PCB, HAP, composés organiques halogénés volatils ou semi-volatils).

Ce type de traitement est très intéressant lorsque l'apport de souches spécialisées (bioaugmentation) est indispensable – il permet de les mettre en conditions optimales. En fin de traitement, les phases liquides et solides sont séparées et la terre traitée réutilisée.

Plusieurs centaines de m3 peuvent être traités dans de simples lagunes construites en terre ou dans des cuves cylindriques ouvertes ou non. Les réacteurs sont transportés en camion sur les sites. Pour un réacteur de 1000 m3 de capacité, il faut prévoir 0,05 à 0,1ha.

Lors d'une pré-étude, on doit évaluer la biodégradabilité du polluant et la facilité à séparer les phases liquide et solide et les conditions optimales de dégradation doivent être déterminées au laboratoire.

Le procédé regroupe 3 étapes (Figure 019) :

  1. Caractérisation physique du mélange liquide/solide régi par la distribution des composés organiques dans le mélange, ainsi que par la viscosité et la tension superficielle des contaminants ;

  2. Prétraitement : tamisage pour éliminer les particules >4-5 mm qui ne sont pas chimiquement actives. On peut préoxyder chimiquement les MO, laver le sol avec un tensioactif, récupérer en amont les phases hydrophobes et les métaux pour éviter d'inhiber les microorganismes. Ensuite, on doit créer une boue épaisse (10 à 50% en poids) en mettant la partie fine du sol en suspension dans l'eau. Des nutriments sont ajoutés pour stimuler les processus de dégradation avec aération du sol si les microorganismes sont aérobies ;

  3. Traitement : apport minéral (chlorure d'ammonium, phosphate de sodium, oligoéléments), pH (entre 4,5 et 8,8), température (entre 15 et 35°C), aération (très souvent, ce sont des aérateurs flottants ou immergés sous pression pour mélanger la boue. On peut aussi créer une anaérobiose en apportant de la matière organique que les microorganismes utiliseront simultanément à l'oxygène), émulsifiants (pour le traitement des huiles pétrolières), agitation (pales immergées ou à la surface du réacteur). On homogénéise la suspension dont le temps de séjour est de quelques jours à quelques semaines. Très souvent, les réacteurs sont alimentés en discontinu. Le procédé en continu limite le risque d'inhibition microbienne mais le procédé est plus technique et plus coûteux. On peut utiliser des réacteurs en série (jusqu'à 9000 L/réacteur).

Sludge or soil -> Bioslurry Reactor (agitator) -> Clarifier ->1-Décontaminated sludge or soil impoundment ->2-Discharge
Figure 019 : Schéma d'un procédé par bioréacteur (adapté de US. EPA)

Lors du traitement, 3 phases apparaissent : la phase solide traitée, l'eau de procédé et les émissions gazeuses. En fin de traitement, les solides sont séparés de l'eau par centrifugation, filtration ou décantation. Ils peuvent subir un traitement complémentaire avant d'être mis en décharge. L'eau utilisée doit être traitée avant d'être recyclée ou rejetée dans le milieu, de même que les émissions gazeuses. La qualité du traitement dépend de l'homogénéisation entre les polluants et les microorganismes et de l'accessibilité des polluants, phénomène gouverné par le processus de transfert de masse des composés organiques de la phase solide vers la phase aqueuse. Le taux de dégradation dépend de la texture du sol et du polluant (HAP : dégradation à 98-99% pour 3 noyaux aromatiques, 85-95% pour 4 noyaux et 55-85% pour plus de 4 noyaux). Cette réduction de performance en fonction du nombre de noyaux aromatiques est due à la moindre solubilité et donc à la moindre disponibilité du polluant pour les microorganismes lorsque le nombre de noyaux augmente. La teneur résiduelle en polluant(s) dans le sol dépend de la nature des polluants, de la teneur initiale et du procédé mis en œuvre ainsi que du temps de séjour.

On peut apporter les microorganismes à t=0 et/ou en cours de traitement.

Exercice2.5.4 Gestion des sols pollués par des contaminants inorganiques
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)