3.2 Réhabilitation des sols et développement durable : le cas de la réutilisation des terres pollués et des terres végétales
Le statut et la réutilisation des terres polluées (« extrants »)
Le statut des terres excavées est défini par la Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets[2]. Cette directive a été transposée en droit français par l'Ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010[1] portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets - Article 4 : I. L'article L. 541-4-1 est remplacé par les dispositions suivantes : « Art. L. 541-4-1. − Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente ; [...] ». En revanche, les terres excavées, qu'elles soient naturelles ou non, qui sortent du site dont elles sont extraites ont un statut de déchet.
Se pose alors la question de la gestion de tonnages considérables de terres pollués (environ 5 millions de tonnes en 2010, auxquels s'ajoutent les tonnages comptabilisés depuis, ainsi que des filières de gestion à privilégier. Il est en effet peu probable (et peu souhaitable), à terme, que les installations de stockage soient en capacité d'« absorber » la totalité des volumes de sols pollués.
Depuis 2012, des possibilités de réutilisation hors site des terres excavées se sont faits jour[3]. Les principes de réutilisation hors site des terres excavées visent à permettre une réutilisation maîtrisée et raisonnée de terres excavées afin de participer à la réduction de la pression de l'homme sur l'environnement tout en s'assurant que leur réutilisation ne sera pas de nature à porter atteinte à l'environnement ni à la santé humaine.
Actuellement ce sont ≈ 0,5% du tonnage de terres traitées qui font l'objet de réemploi, ce qui reste une filière encore marginale de gestion des terres polluées.
Un cadre à la réutilisation des terres excavées été défini (figure 033) :
- Il est interdit de mélanger, pendant ou après l'excavation, des lots distincts de terres excavées de qualité différente dans le but de diluer les éventuelles pollutions afin de déclasser les terres, ou de porter atteinte à l'objectif de traçabilité des terres excavées ;
- Un rayon d'une trentaine de kilomètres autour du site d'excavation constitue un ordre de grandeur au-delà duquel il n'est généralement pas raisonnable d'aller - le marché des matériaux étant un marché local -du fait des coûts de transport qui pèsent fortement sur le prix de revient des matériaux ;
TERRASS[4] (http://terrass.brgm.fr/utilisation/methodologie-et-outils-associes) précise le statut des terres polluées selon la filière de gestion envisagée. Les objectifs de l'application TERRASS sont :
de mettre en relation détenteurs et utilisateurs de terres excavées ;
de disposer de l'information sur l'état, la localisation et la qualité des stocks ;
d'assurer la traçabilité des terres depuis leur site d'extraction jusqu'à celui de leur réutilisation ;
de délivrer et gérer les numéros des bordereaux de suivi (BSTR) ;
de bancariser et pérenniser l'information (localisation, coordonnées, critères géochimiques, ...) ;
de permettre la mise en place de contrôles des services de l'Etat et la génération d'indicateurs.
Les modalités de réutilisation hors site des terres excavées sont strictement encadrées. Elles interviennent notamment dans le cadre d'un plan de gestion à la suite du bilan coûts/avantages. Les possibilités de réutilisation hors site des terres excavées entrant dans la démarche concernent :
Les aménagements sous bâtiment, au niveau des bureaux, des locaux commerciaux et industriels et les aménagements paysagers non privatifs sous un recouvrement de terres non polluées ou sous des revêtements de type enrobé, dalle béton (parkings, chaussées), dans le cadre d'opérations soumises à un permis de construire, un permis d'aménager ou à la réalisation d'une étude d'impact, qu'il s'agisse de projets d'aménagements urbains résidentiels, industriels ou commerciaux ;
Les usages en technique routière (tels que définis dans la démarche de niveau 3 de caractérisation environnementale du guide méthodologique relatif à l'acceptabilité de matériaux alternatifs en technique routière - guide SETRA, mars 2011[5]).
Des restrictions ont été énoncées :
La réutilisation hors de leur site d'origine des terres excavées est interdite au droit des établissements dits sensibles, sous les constructions résidentielles, sous les jardins privatifs, au droit de terrains destinés à la production de fruits et légumes (potagers et vergers), à la culture (céréales, plantes fourragères...), et à l'élevage (pâtures) ;
La réutilisation des terres excavées en technique routière est interdite pour la réalisation d'ouvrages non pérennes (massifs de pré-chargement), et de systèmes drainants (tranchées ou éperons drainants, chaussées réservoirs...).
La démarche de réutilisation est définie en 3 phases :
L'entrée dans la démarche, à la suite d'un diagnostic sur le site « producteur » (lieu où vont être excavées les terres), d'une étude de levée de doute (en référence à la prestation LEVE de la norme de service NF-X-31-620 partie 2) qui permettra de déterminer si les terres sont susceptibles d'être polluées ;
L'identification des filières relevant du champ d'application du guide pour les terres dont les caractéristiques sont non cohérentes avec le fond géochimique local ou le bruit de fond urbain local :
directement de site à site ;
via une installation de transit et/ou de regroupement ;
via un centre de traitement (hors stabilisation).
La validation et la finalisation du projet de valorisation basées sur le respect des 3 critères autorisant la valorisation des terres excavées hors site.
Respecter ces 3 critères permet la maîtrise des impacts :
Sur la qualité des sols, via le respect du principe de maintien de la qualité du sol du site receveur (critère 1 : principe du stand still).
Sur la qualité des milieux aquatiques et notamment eaux souterraines, via la réalisation d'une étude d'impact à l'aide de l'outil Hydrotex (critère 2),
Sur la santé humaine, en s'assurant de la compatibilité entre la qualité des terres d'apport et l'usage du site receveur (critère 3 - uniquement pour les projets d'aménagement).
Le « guide de caractérisation des terres excavées dans le cadre de leur réutilisation hors site en technique routière et dans des projets d'aménagement »[6] ( BRGM, 2013[7]) propose, au travers d'une démarche pragmatique en lien avec le « guide de réutilisation hors site des terres excavées en technique routière et dans des projets d'aménagement » (BRGM/RP-60013-FR, 2012)[8], une méthodologie de caractérisation des terres excavées destinées à être réutilisées et des zones de réutilisation potentielles .
La gestion des terres de remplacement (« intrants »)
Les résultats du projet POTEX (non encore public) ont montré l'importance d'une réflexion sur la qualité des terres végétales d'apport utilisées en agriculture et jardinage, sans compter que les coûts de transport représentent entre 2/3 et 3/4 du coût total des terres végétales.
Plusieurs collectivités en France envisagent de mettre en place des filières pour les terres d'apport, afin de maîtriser davantage leur qualité (et aussi leurs traçabilités). Cela anticipe-t-il un jour l'instauration d'une police de la terre au même titre qu'il existe une police de l'eau ?