Identifier, mesurer et analyser les pollutions des sols

7.5 L'analyse des polluants au laboratoire

a) Préparation des échantillons

Avant analyse au laboratoire, une préparation préalable de l'échantillon consiste à tamiser, sécher, extraire, purifier, concentrer les polluants.

Le tamisage peut se faire sur échantillons secs ou non selon le protocole étudié. Seuls les éléments constitutifs du sol qui ont un diamètre inférieur à 2 mm sont conservés (norme NF X 31-101).

Le séchage est le plus souvent réalisé à l'étuve à 105°C pour les ETM et à température ambiante (température inférieure à 40°C) pour les HAP (NF ISO 11 464).

Afin de mettre en solution les polluants avant analyse, différentes méthodes d'extraction peuvent être proposées : extraction au soxhlet, par agitation mécanique à froid, sous ultrasons, en phase supercritique, ou par micro-ondes pour les composés organiques (cf tableau 004) ou extraction totale par attaques acides ou extraction chimique séquentielle pour les ETM.

Tableau 004 : Méthodes d'extraction des polluants organiques des sols ( CERTU, 2004[1])

Méthode d'extraction

Principe

Type de sols/ polluants

Remarques

Références

Soxhlet

Il s'agit d'une extraction liquide/solide par recirculation continue sur l'échantillon de solvant à ébullition et re-condensé

Pour des sols fortement contaminés en HAP

Temps d'extraction de 16h environ

Volume de solvant important (300mL par échantillon)

NF ISO 13-877

Agitation mécanique à froid

L'échantillon est agité mécaniquement en présence d'un solvant extractant à la pression atmosphérique et à température ambiante

Pour des sols peu contaminés en HAP

Temps d'extraction long

Volume de solvant important (200mL par échantillon)

NF ISO 13-877

Ultrasons

La propagation des ondes (fréquence supérieure à 16Hz) se traduit par un mouvement rapide du solvant. L'utilisation d'ultrasons permet d'augmenter la vitesse d'extraction des polluants.

Utilisée pour les chlorophénols

La fréquence et la puissance ainsi que le temps d'application doivent être bien contrôlées

Méthode 3550 de l'EPA

Par solvant sous pression (PSE ou ASE)

Extraction liquide/solide avec un solvant porté à haute température (100°C) et haute pression (100bars)

Très bon rendement d'extraction et réduction du temps d'extraction et du volume de solvants

Par micro-ondes (MAE)

Extraction qui repose sur l'interaction onde-matière.

La température, le temps et la puissance du micro-onde doivent être maîtrisés.

Il existe des systèmes ouverts ou fermés.

Par un fluide supercritique (EFS)

Extraction d'un soluté du sol en utilisant un fluide supercritique comme solvant d'extraction.

Le dioxyde de carbone (CO2) supercritique est le fluide le plus utilisé car non toxique et inerte chimiquement. Lors de l'extraction, les conditions d'utilisation du dioxyde de carbone supercritique sont au-dessus de ses points critiques (température critique 31°C et pression critique 74 bars).

Pour les ETM, l'extraction totale se fait par minéralisation par attaques acides. Selon le protocole suivi, l'acide nitrique, un mélange d'acide fluorhydrique et d'acide perchlorique ou l'eau régale est utilisé. Cette extraction peut se faire en milieu ouvert ou fermé à chaud (150°C) (utilisation possible du micro-ondes). Si des ETM volatils sont étudiés, il est préférable de travailler en milieu fermé afin d'éviter les pertes de volatilisation (ex : Hg, As...).

Concernant les extractions chimiques séquentielles, cette notion a déjà été abordée ; se référer au paragraphe 5.2.2.

L'extraction de composés organiques ou métalliques est une étape importante car il peut y avoir une perte des composés à cette étape. Il est donc nécessaire d'évaluer le pourcentage d'extraction de la méthode choisie.

La purification a pour but d'éliminer les substances co-extraites avec les molécules recherchées qui peuvent interférer dans les dosages et détériorer les colonnes chromatographiques La méthode utilisée dépend de la nature du polluant et des constituants de l'échantillon co-extrait. Il s'agit le plus souvent d'une chromatographie d'adsorption sur alumine, silice ou Forisil (BRGM, 2001).

La concentration des extraits se fait par évaporation du solvant. Cette étape doit se faire avec précaution afin de limiter la volatilisation des polluants.

b) Techniques analytiques

Les analyses réalisées au laboratoire sont groupées par familles de produits, organiques d'une part, et minéraux d'autre part.

Étude des polluants organiques

La séparation des composés organiques s'effectue généralement par chromatographie, liquide (CL ou HPLC, high performance liquid chromatography) ou gazeuse (GC ou CPG).

Cette technique permet de séparer les constituants d'un mélange en se basant sur les différences d'affinité entre la phase mobile et la phase stationnaire. Le chromatogramme est obtenu et traduit la variation du soluté dans l'éluant en fonction du temps.

Selon les techniques, la phase stationnaire sera solide ou fluide, et la phase mobile toujours fluide (liquide ou gaz).

La chromatographie en phase gazeuse permet de séparer des composés relativement volatils au travers d'une colonne contenant une phase stationnaire par élution à l'aide d'un gaz vecteur (hélium, azote).

La chromatographie en phase liquide, quant à elle, permet de séparer les composés polaires, pas ou peu volatils, mais solubles dans des solvants organiques, au travers d'une colonne contenant une phase stationnaire par élution avec une phase mobile de type eau/méthanol ou acétonitrile/eau.

Après séparation des constituants d'un mélange par chromatographie, il est possible de quantifier ces derniers au moyen de détecteurs plus ou moins spécifiques par comparaison des spectres obtenus à une bibliothèque de spectres de composés connus.

Les détecteurs pouvant être utilisés sont :

  • détecteur à ionisation de flamme (FID), utilise pour tous les composés combustibles ;

  • le détecteur de spectrométrie de masse (MS) permettant de séparer les molécules en fonction de leur masse ;

  • le détecteur d'absorption UV-Visible qui permet de quantifier les composés absorbant dans l'UV ou le visible comme les composés aromatiques et en particulier les phénols ;

  • le détecteur de spectrométrie de fluorescence d'une grande sensibilité et sélectivité en ce qui concerne les HAP par exemple. Cette détection par fluorimétrie est plus sensible et plus sélective que la méthode par UV ;

  • détecteur à capture d'électrons (ECD), utilise pour sa grande sensibilité vis-à-vis des composés organohalogènes ;

  • détecteur d'azote et de phosphore (NPD), pour la détection des composés azotés ou phosphorés comme certains pesticides ;

  • détecteur à photoionisation (PID), pour le dosage spécifique des hydrocarbures aromatiques.

Étude des polluants minéraux

Les éléments traces métalliques ETM sont dosés généralement par spectroscopie d'absorption atomique (SAA) ou par plasma à couplage inductif associé ou non à une détection par spectrométrie de masse ou d'émission atomique (ICP ou ICP/MS, ICP/AES).

Le type d'appareil à utiliser dépend de la nature et de la concentration de l'élément recherché car les métaux n'ont pas tous la même sensibilité vis-à-vis du mode d'atomisation employé. A titre d'exemple, le Cadmium donnera un signal plus fort pour une concentration plus basse en SAA qu'avec l'ICP/AES (CERTU, 2004). Le choix dépend également du bruit de fond généré par la matrice et du type de détecteur de l'appareil.

La méthode ICP est plus avantageuse que la SAA car elle est plus rapide, permettant de doser simultanément tous les métaux lourds à des concentrations de l'ordre de la ppb (µg/L) voire du ppt (ng/L). De plus, le niveau d'interférences physico-chimiques de cette méthode (effet de matrice, effets inter-éléments) est très faible.

La méthode ICP/AES consiste à ioniser l'échantillon en l'injectant dans un plasma d'argon, ou parfois d'hélium, c'est-à-dire que les atomes de la matière à analyser sont transformés en ions par la chaleur. Les électrons des atomes excités (ionisés), lorsqu'ils retournent à l'état fondamental, émettent un photon dont l'énergie (donc la longueur d'onde) est caractéristique de l'élément. La lumière émise par l'élément recherché est alors détectée et mesurée par un ou plusieurs monochromateurs, et son intensité comparée à celle émise par le même élément contenu dans un échantillon de concentration connue (étalon), analysé dans les mêmes conditions.

L'absorption atomique SAA de flamme ou four est une méthode qui permet de doser essentiellement les métaux en solution. La solution contenant les ions à doser est aspirée à débit constant dans un nébuliseur pneumatique. La solution est ainsi envoyée sous la forme d'un brouillard dans une flamme ou un four. Les ions en solution vont alors passés à l'état d'atome (atomisation) si la température de la flamme est suffisante. On envoie sur la flamme un rayonnement de longueur d'onde spécifique de l'atome à analyser. L'absorbance est alors mesurée, celle-ci étant proportionnelle à la quantité d'atome dans la flamme donc d'ion en solution. Cela permet le dosage de l'analyte (après avoir réalisé une courbe de calibration).

La limite de quantification est donnée en fonction de l'appareil et du métal analysé. Cette valeur est également liée aux paramètres de mise en solution et notamment au rapport volume/masse (volume du jaugé, prise d'essai). Le rapport de CERTU (2004) permet de comparer différentes techniques d'analyses pour différents métaux (tableau 005).

Tableau 005 : Limites de quantification en mg/kg de MS selon la technique analytique employée et le métal

Métal

ICP/AES

ICP/MS

SAA flamme

SAA four

Al

0,4

As

0,4

Cd

0,4

0,4

0,004

Cr

0,4

Cu

0,4

Ni

0,4

Pd

Pb

1

1,2

0,06

Pt

0,05

Zn

0,4

0,4

0,004

rapport volume/masse

200

200

40

40

En tenant compte des rapports volume/masse utilisés, CERTU (2004) montre que la technique SAA en four apparaît 20 fois plus sensible que la technique par ICP pour le cadmium et le zinc mais seulement 3 fois pour le plomb.

L'ICP reste néanmoins beaucoup plus performant que la méthode en flamme : 5 fois plus pour le cadmium et le zinc et 4 fois plus pour le plomb.

Le platine et le palladium paraissent difficilement dosables autrement que par ICP/MS.

La chromatographie ionique est une technique de séparation utilisant une phase mobile (éluant) et une phase stationnaire (colonne remplie d'échangeurs de cations). La résine choisie permet une gamme d'utilisation de pH de 0 à 14). Les ions ou composés polaires présents dans l'échantillon sont alors entraînés par la phase mobile et séparés par effet de leurs interactions avec les sites ioniques de la phase stationnaire. L'analyse repose sur la relation entre la masse du composé injectée et l'air du pic correspondant.

La chromatographie d'échange d'ions (CEI) est surtout utilisée pour les anions tels que les halogenures (chlorures, bromures, iodures, fluorures), les phosphates, les nitrates, les nitrites, les cyanures et les sulfates.

L'électrophorèse capillaire (EC) est une technique qui permet d'effectuer l'analyse d'un grand nombre de composés anioniques ou cationiques dans un temps record à condition que les solutions à analyser soient peu chargées en polluants organiques pour éviter le risque d'interférences auxquelles cette technique est sensible.

Pour plus de précisions, veuillez consulter :Complément

BRGM (2001).[2] Guide méthodologique pour l'analyse des sols pollués.

Certu (Centre d'Études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (2004). Comparaison de méthodes d'analyse des Éléments Traces Métalliques ETM et des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques HAP sur les sols et les végétaux.

  1. CERTU (2004).

    Comparaison de méthodes d'analyse des Éléments Traces Métalliques ETM et des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques HAP sur les sols et les végétaux

  2. Baer U. (1996).

    Comportement des pesticides dans les sols : Evaluation et simulation de la dissipation au champ. Thèse Institut National Agronomique Paris-Grignon, 155 p.

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