Identifier, mesurer et analyser les pollutions des sols

5.1.2 Caractéristiques physico-chimiques des polluants organiques

Le devenir des polluants (tableau 002) est largement fonction de leurs caractéristiques physico-chimiques et de leur comportement vis-à-vis de la matrice dans laquelle ils sont présents. En effet, leur propriétés vont être déterminantes sur la manière dont les contaminants vont migrer (profondeur de pollution, risque de la contamination de la nappe phréatique ou eaux superficielles...).

Solubilité aqueuse (en mg.L-1) : est définie comme la concentration d'une substance se dissolvant dans l'eau lorsque l'eau et la substance sont en équilibre. La solubilité est influencée par la température, la fraction molaire de chaque composé dans le mélange de polluants ainsi que par la teneur en matières organiques dissoutes.

Par exemple, la solubilité dans l'eau du benzène pur est de 1780 mg/L, de 16,5 mg/L en mélange à l'essence à raison de 1% et de 1,8 mg/L en mélange au gazole à raison de 0,1%.

Une solubilité forte constitue un facteur aggravant des pollutions (dispersion accélérée dans l'eau, biodisponibilité[1] fortement accrue). Par contre, les polluants très solubles sont en général plus facilement biodégradables (Lemière et al., 2001).

- Tension de vapeur (en Pa) : est la pression partielle d'un composé dans la phase aqueuse, en équilibre avec le solide pur ou le liquide pur. La tension de vapeur à 20°C définie la volatilité d'un composé.

Il existe une relation entre la tension de vapeur et le point d'ébullition d'un composé organique : plus sa tension de vapeur est faible et plus son point d'ébullition est élevé.

Les constantes de tension de vapeur n'étant connues que pour un nombre limité de composés, la classification de volatilité s'effectue pour des raisons pratiques, sur la base des points d'ébullition des composés à une pression de 1010 hPa ( Lemière et al., 2001[2]).

Constante d'Henry (Pa.m3.mol-1) : La volatilisation d'une molécule peut être également estimée par la constante de Henry (KH). Ainsi, les composés présentant une constante de Henry élevée sont plus volatils (tableau 002). Plus un produit sera volatil, moins grande sera son affinité pour le sol. Il sera alors éliminé dans l'atmosphère avant d'être biodégradé.

La volatilité, fonction de la tension de vapeur et de la constante d'Henry, influe sur la manière dont ils s'infiltrent dans les sols, dont il s'en libère par évaporation naturelle ou dont il peut être éliminé lors des opérations de dépollution ; ces propriétés sont importantes pour le choix de la technique de dépollution.

Koc ou coefficient de distribution du carbone organique (L.kg-1) : traduit le rapport de la quantité de soluté adsorbé par unité de poids de carbone organique sur la matrice solide sur la concentration du soluté dans la phase aqueuse à l'équilibre. Plus le Koc est élevé, plus le composé tend à quitter l'eau pour se fixer sur la matière organique du sol.

Coefficient de partage Kow (sans unités) : est le rapport des concentrations à l'équilibre d'une substance dissoute dans un système à deux phases constitué de deux solvants (octanol et eau) qui ne se mélangent pratiquement pas.

« Kow = Coctanol / Ceau »

Le coefficient de partage est donc le quotient de deux concentrations. Il est habituellement donné sous la forme de son logarithme de base 10 (log Kow). Une molécule est considérée comme lipophile et potentiellement bioaccumulable dans les tissus organiques riches en lipides lorsque son log Kow est supérieur à 4.

Coefficient de distribution d'une molécule Kd (L.kg-1) : est le rapport de la concentration du polluant adsorbé sur le sol sur la concentration du polluant à l'état dissous. Il est lié au coefficient de partage carbone organique-eau (Koc) par la relation suivante : Koc = Kd x 100/ (%CO) avec %CO = pourcentage de carbone organique.

Viscosité dynamique d'un fluide (µ) (en kg.s.m2) : influe sur son aptitude à l'écoulement, à l'infiltration et à sa circulation dans le sol. Plus la viscosité du produit est élevée, plus son déplacement sera lent.

Stabilité : la dégradation d'un polluant est souvent représentée, en première approximation, par une réaction chimique de premier ordre :

« C=Coe-kt »

avec Co la concentration initiale du polluant

t le temps (jours)

k la constante de temps (jours-1)

C la concentration du polluant à l'instant t

La vitesse de dégradation est caractérisée par le temps de demi-vie.

Temps de demi-vie DT50 (jours) : c'est le temps durant lequel une fraction représentant 50% de la quantité initiale de la substance est dégradée. Plus la DT50 est grande et plus le composé est persistant dans l'environnement.

Concentration efficace 50 CE50 (g/L) : cette valeur correspond à la concentration de polluant produisant 50 % de mortalité.

pKa ou constante d'ionisation acide/base : définit la tendance à l'ionisation des composés dans des sols de pH compris entre 5 et 8. Plus cette valeur est élevée, plus faible est la tendance du composé à être ionisé. Les composés acides ayant un pKa inférieur à 3-4 seront mobiles dans les sols tandis que des composés basiques ayant un pKa supérieur à 10 seront retenus.

Les critères globaux d'appréciation du comportement des produits organiques dans les sols, reprenant les paramètres définis plus haut, sont répertoriés dans le tableau 2.

Tableau 002 : Critères d'appréciation du comportement des produits organiques dans les sols ( Pellet, 1994[3]).

Paramètre

Symbole

Unité

Critères (à 20-25°C)

Interprétation

SOLUBILISATION

Solubilité dans l'eau

[mg/l]

S < 150

150 < S < 10 000

S < 10 000

→ insoluble à peu soluble

→ peu soluble à soluble

→ soluble à très soluble

VOLATILISATION

Pression de vapeur

Pv

[Pa]

Pv < 133

Pv ≥ 133

→ non volatil

→ volatil

Point d'ébullition

Te

[°C]

Te < 80

80 ≤ Te < 200

Te ≥ 200

indicatif

Constante de Henry

KH

[Pa.m3/mol]

KH < 100

100 ≤ KH < 500

KH ≥ 500

→ faiblement volatil

→ volatil

→ très volatil

MIGRATION VERTICALE DES VAPEURS

Densité par rapport à l'eau

d1

(deau = 1)

[cP]

d1 < 1

d1 ≥ 1

→ Flottant au toit de la nappe

→ écoulement vertical

Viscosité

µ

µ > 0.9

0.9 ≤ µ ≤ 2

µ ≥ 2

→ plus fluide que l'eau

→ fluidité de l'eau

→ fluidité de l'huile ou moindre

PIÉGEAGE (PAR ADSORPTION) DANS LA PHASE SOLIDE

Coefficient de partage octanol/eau (Kow)

Kow/oc

log Kow/oc

Log Kow/oc <2

2 ≥ log Kow/oc < 4

→ composé "hydrophile"

→ "hydrophile" à "hydrophobe"

ou carbone organique/eau (Koc)

log Kow/oc ≥ 4

→ composé "hydrophobe"

Connaissant les paramètres physico-chimiques des produits organiques, leur devenir dans les différents compartiments de l'environnement peut être prédit et est illustré par la figure 002 (Selon Guignon-Moreau, 2006[4]).

traitement = dépôt sur le sol ou la plante,/volatilisation directe/Aérosols = volatilisation indirecte depuis le sol ou la plante = Transport et dégradation atmosphériques dans les nuages qui entraîne un dépôt sec/un dépôt humide s'en suit un ruissellement vers les eaux superficielles
Figure 002 : Voies de dissipation potentielles des polluants organiques dans l'environnement (selon Guignon-Moreau, 2006).InformationsInformations[5]

Les voies de dissipation potentielles des polluants organiques à partir du sol sont donc globalement représentées par :

Cg : dispersion par volatilisation.

Cs : dispersion par dégradation ou stabilisation.

Ce : dispersion par solubilisation dans l'eau.

  1. Biodisponibilité

    La biodisponibilité se définit comme la propriété d'un élément ou d'une substance d'atteindre les membranes cellulaires des organismes vivants. C'est le statut physique (adsorbé, solubilisé) ou chimique (complexé, ionisé) dans lequel se trouve un polluant et qui conditionne sa toxicité. Un polluant biodisponible est un polluant au-quel les organismes sont immédiatement exposés. Lorsqu'un polluant n'est pas biodisponible mais peut le devenir à plus ou moins long terme, on utilise le terme « bioaccessible ». Selon l'évolution des paramètres environnementaux, la biodisponibilité des polluants et leur toxicité peuvent évoluer favorablement ou défavorablement.

  2. Lemière B., Seguin J.J., Le Guern C., Guyonnet D., Baranger Ph., Darmendrail D., Conil P. (2001).

    Guide sur le comportement des polluants dans les sols et les nappes. Applications dans un contexte d'Évaluation Détaillée des Risques pour les ressources en eau. BRGMRP-50662.FR, 103 p., 20 fig., 9 tabl., 5 ann

  3. Pellet (1994)

    Polluants organiques courants : caractéristiques physico-chimiques et comportement dans le milieu naturel. Rapport ANTEA A00495, Juin 1994

  4. Guignon-Moreau E. (2006).

    Transferts des pesticides vers les eaux superficielles et l''atmosphère : caractérisation et modélisation sur le bassin versant de la Vesle

  5. (selon Guignon-Moreau, 2006).

5.1.1 Les différentes familles de composés organiques5.2 Polluants inorganiques
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)