Jardins urbains et pollution des sols : évaluation des risques et démarches d'experts

Paris : « on ne cultive pas dans le sol en place »

(Source : DEVE (2010). La prise en compte des sols dans les projets de jardins partagés et jardins pédagogiques.)

La question de la qualité des sols – et de sa prise en compte- en lien avec les usages passés qu'ils ont pu connaître (activités artisanales ou industrielles, remblaiement) est au cœur de la démarche menée par la Ville de Paris. Dès 2000, le pôle « Pollution des sols et installations classées » de l'AEU[1] a pris l'initiative de rédiger une fiche de pré-expertise basée sur l'historique de l'usage du site. En 2005, en application du principe de précaution et face à l'absence de réglementation et aux incertitudes dans les connaissances scientifiques, ce pôle a mis en œuvre différentes dispositions dans le cadre de projet d'aménagement d'un jardin partagé ou pédagogique permettant de réduire les risques associés à la pratique de jardinage. Une forte suspicion de pollution peut conduire à l'abandon du projet. Dès lors que l'aménagement est retenu, il est demandé d'isoler la terre végétale apportée de la terre en place par une couche drainante comprise entre deux géotextiles. L'évaluation de cette procédure a mis en avant différentes difficultés d'application qui ont décidé ce pôle à préciser son protocole en 2011 et à le diffuser. Ce protocole est illustré par la figure suivante. Il sépare tout d'abord les projets s'insérant dans un cadre réglementaire (ICPE, établissement sensible, grand projet d'aménagement) pour lesquels les études sont menées par un bureau d'étude extérieur et soumises à l'avis des services de l'état. Pour les autres sites, les services de la ville peuvent produire en régie une fiche de pré-expertise. Dans tous les cas, l'étude historique constitue l'étape préalable indispensable à tout projet d'aménagement d'un jardin partagé/pédagogique.

Si cette étude historique met en évidence l'existence antérieure d'une activité industrielle dite lourde (sites recensés dans la base de données des anciens sites industriels et activités de service – BASIAS- correspondant à : des industries extractives, des industries manufacturières hors secteur alimentaire, la production et distribution d'électricité, gaz, vapeur, la collecte et stockage des déchets, des stations services et garages de réparation et peinture automobiles, des gares de triage et ateliers d'entretien, des activités hospitalières, des teintureries pressing en gros et du stockage de produits chimiques ou miniers.), le projet est abandonné au droit du site. De même, hors activité industrielle dite lourde, toute zone de l'emprise faisant l'objet d'une suspicion particulière sera évitée. Dans le cadre d'un contexte réglementaire l'approche du bureau d'étude sera celle décrite dans la méthodologie nationale de gestion des sites potentiellement pollués définie en 2007 par le ministère de l'Ecologie (analyse des milieux (sondages et analyses), interprétation de l'état des milieux, éventuel plan de gestion, ...). Dans le cas d'une suspicion de pollution importante des analyses seront réalisées à la demande de la Ville pour caractériser les sols et les gaz du sol. En cas de présence de polluants volatils l'abandon du projet sera proposé. Une fois l'état des milieux connu, les dispositions techniques de la DEVE pour l'aménagement du jardin s'appliquent. Autre précision importante à noter : dans tous les cas le protocole DEVE demande à ce que le jardinage soit réalisé dans de la terre rapportée.

En l'absence de suspicion de pollution le site sera géré comme un espace vert classique avec une excavation de la terre en place sur 30 cm et son remplacement par de la terre végétale ; la terre végétale rapportée sera mise en contact avec le sol en place. Pour les autres sites (suspicion faible), aucune analyse du sol n'est proposée mais les sols sont gérés de la même façon que les sites pollués (cf. ci-dessous). Aujourd'hui, lorsque la ville souhaite cultiver en pleine terre sans apport de terres végétales, le pôle concerné réalise des analyses. S'il n'y a pas d'analyse, la terre est remplacée sur 30 cm à minima.

Dans le cas où une contamination des sols est mise en évidence deux types d'aménagement sont proposés :

  • Culture en bac hors sol. Ces bacs sont isolés du sol sur lequel ils sont posés voire enterrés. Il est conseillé que le sol de l'emprise soit recouvert (stabilisé, dalle, terre végétale engazonnée, pavage, ...) de manière à limiter les poussières et l'utilisation de la terre dans les bacs.

  • Mise en place d'un système drainant. Elle constitue une alternative au bac hors sol dans le cas de sites contaminés. Cet aménagement prévoit le décapage des sols contaminés sur une épaisseur pouvant aller jusqu'à 80 cm. A la base de l'excavation un système drainant constitué d'une couche de 20 cm de graviers sera mis en place entre deux géotextiles afin de constituer une barrière limitant le développement racinaire (barrière racinaire). Il faut garantir la pérennité du géotextile au cours de la vie du jardin en maintenant systématiquement une hauteur de terre minimale de 30 cm au dessus de celui-ci. Cet aménagement est à privilégier pour des jardins installés de manière définitive.

L'AEU[1] met l'accent sur la gestion des terres d'apport qui doivent répondre à un cahier des charges notamment portant sur leur provenance. Avant acceptation, les terres sont contrôlées par le laboratoire d'agronomie sur la base de leur fertilité et plus récemment d'analyses d'éléments traces métalliques. Parallèlement les terres polluées excavées devront être orientées vers une filière de gestion des déchets adaptée.

Chaque projet doit s'accompagner d'une prise en compte financière des coûts associés à la gestion de la pollution des sols.

La prise en compte de la pollution des sols dans les projets d'aménagement de jardins partagés / pédagogiques de la Ville de Paris est déclinée dans ce protocole autour de la mise en place d'un aménagement adapté à chaque site. La ville de Paris souhaite l'accompagner en améliorant l'information (pollution, risques sanitaires) des différents acteurs (aménageurs, mairie d'arrondissement, président d'associations de jardiniers) tout en responsabilisant davantage les associations sur les usages et pratiques dans les jardins urbains.

Protocole autour de la mise en place d'un aménagement adapté à chaque site.
Protocole autour de la mise en place d'un aménagement adapté à chaque site.InformationsInformations[2]

Portée par le souci d'agir suivant le principe de précaution, la Ville de Paris travaille en collaboration avec des organismes comme l'ARS, pour répondre de manière cohérente aux enjeux sanitaires liés aux usages de l'espace urbain dont elle est responsable. Elle a également mis en œuvre sur la période 2012-2014 une étude expérimentale autour de potagers expérimentaux (projet POTEX) afin d'apporter des informations autour des transferts de polluants (sol-végétal, atmosphère-végétal, ...), de lever certaines incertitudes autour des risques sanitaires associés au jardinage urbain et d'évaluer l'efficacité des différentes dispositions techniques d'aménagement sur la réduction des risques.

  1. AEU : Agence d'Ecologie urbaine, appartenant à la Direction de l'environnement et des espaces verts de la Ville de paris

  2. Source : DEVE

Évaluations profanes des risques liés aux jardins collectifs urbainsToronto : « favoriser le jardinage urbain en protégeant la santé »
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)