5. Nouveaux acteurs et nouveaux modes de contestation - Inquiétudes et actions radicales
Parallèlement, à ces nouvelles pratiques de gestion et de ré ensauvagement, on assiste depuis les années 2000, à de nouveaux mouvements écologistes plus radicaux. De nouvelles formes d'engagement collectif apparaissent souvent plus radicales « peuples des dunes » qui se mobilise contre les projets d'extractions de granulats marins, les « Gardiens de la Côte », et la Surfrider Foundation Europe (SFE) (Weisbein J.,2016). Depuis les années 1990, cette association s'engage concrètement contre les différentes atteintes et aménagements qui menacent le littoral. En lien avec SFE, les Gardiens de la Côte ont pris part à une centaines d'actions et gagné 55 entre 2008 et 2015 (Julien Weisben). Ces activistes et lanceurs d'alertes, ont un niveau d'étude élevé, permettant d'analyser des dossiers d'aménagement complexe.
Cette évolution se poursuit depuis 2010 avec l'implantation de zones à défendre (ZAD), 2012 pour Notre Dame des Landes, il s'agit d'occuper un espace afin d'empêcher un aménagement structurant pour l'Etat ou la Région (Dechézelles S, Olive M., 2016). La ZAD de Notre dame des Landes a été ainsi occupée 6 ans avec des habitants, des cultures, des événements, une territorialisation forte, renforcée par le combat militant et la résistance aux forces de l'ordre. En 2019, une nouvelle ZAD apparaît pour s'opposer à la construction de port de plaisance à Brétignolles en Vendée, puis en 2020, une autre ZAD apparaît au Carnet, afin de s'opposer à l'agrandissement portuaire de Saint-Nazaire.
Depuis quelques années, la théorie de l'effondrement attire de nombreux militants autours de mouvements qui appellent à des actions parfois violentes. L'organisation écologique, Deep Green Resistance, fondée par Derrick Jensen, Lierre Keith et Aric McBay en 2011 estime que pour sauver cette planète, un véritable mouvement de résistance en mesure de démanteler l'économie industrielle est nécessaire. Deep Green Resistance (DGR) fait le constat suivant : la civilisation industrielle est manifestement incompatible avec la vie sur Terre. Face à l'urgence de la situation, les « technosolutions » et les achats écoresponsables ne sont pas une solution, l'action passe par la destruction de structures (barrages, usines polluantes). Dans la même lignée, Extinction Rebellion France, né en 2018 en Grande-Bretagne prône également la désobéissance civile. Plus connu sous le nom de “XR”, ce mouvement souhaite contraindre les gouvernements et responsables à agir face à la crise écologique et climatique.
Il est bien difficile de se projeter en 2050 et d'imaginer les revendications de demain et leurs modes d'actions, d'autant que des ruptures plus ou moins fortes peuvent modifier les projections actuelles. D'après la Méta-synthèse pour l'étude Prosper Océans & Sociétés 2030, les prospectivistes notent l'accélération du temps et le rétrécissement de l'espace à l'aune d'Internet entraînant des réactions en cours de type « slow food », « locavores », « Forums citoyens » ...où l'outil reste Internet mais où la recherche du lien prime sur celle du bien. On assisterait au renforcement de la vision de l'homme comme « Maître et possesseur de la nature » (Descartes, Heidegger...) à « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant » (F. Plassard) et « En mer, on n'affronte pas les éléments, on compose avec ! » (C. Chabot). La prise de conscience des responsabilités des sociétés humaines vis à vis de la mer et de sa dégradation devrait pousser à des positions sans doutes plus extrêmes et conflictuelles.
Les réseaux sociaux, l'information en continue, le droit à l'information, l'obligation d'informer les citoyens conjugués à une population littorale marquée par un niveau d'étude élevé, tout ceci concoure à penser que les mobilisations pour protéger la nature et l'environnement se poursuivront avec un caractère parfois radical... Si c'est le cas, les ouvrages, digues et enrochements pour protéger le littoral et maintenir le trait de côte pourraient aussi être victimes de ces combats militants... enclins à laisser faire la nature... Quelle sera la place des milieux humides, comme zone tampon et d'atténuation ? ... les marais, les zones dépoldérisées, les mangroves ? De même, quel sera le niveau d'adhésion des habitants non directement menacés, des communes rétro littorales d'une même communauté de commune, face aux grands travaux de protection et aux mesures d'indemnisation voir de compensation de la perte de la vue sur mer... Quelles seront les réactions devant les projets de constructions de digues, d'enrochements qui pourraient banaliser les paysages côtiers au détriment de la beauté paysagère qui attire depuis près de deux siècles de « quête du rivage ».
La mobilisation locale s'appuiera aussi sur la prise de conscience que les solutions des grands problèmes ne peuvent être trouvées qu'à l'échelon mondial (Changement climatique, biodiversité, eau...) avec un renforcement des institutions internationales sur les problématiques communes (GIEC, IPBES...) et la mobilisation d'associations citoyennes, plus ou moins représentatives, de nouvelles formes de forums : citoyens (entreprises, élus scientifiques et sociétés civile) comme l'initiative du Conseil régional de Languedoc-Roussillon de la création du Parlement de la Mer.
Cependant cette prise de conscience à l'échelle planétaire s'appuiera aussi sur la nécessité de mieux comprendre localement les liens Terre-Mer (pollution, biodiversité, climat...) nécessitant de renforcer l'acquisition de connaissances, par des technologies qui utiliseront la 5G et sans doutes d'autres moyens (capteurs, réseaux), traitement du signal (indicateurs) et en modélisation (prévision, suivi, planification). D'où le renforcement de réseaux d'observation comme les observatoires des risques côtiers.
Complément : ODySéYeu : un projet pour prévenir des risques sur l'île d'Yeu
Plus d'informations : https://fondation.univ-nantes.fr/nos-projets/odyseyeu-un-projet-pour-prevenir-des-risques-sur-lile-dyeu
Script :
Le projet ODySéYeu c'est un projet qui est un observatoire et qui va s'intéresser à la dynamique sédimentaire. Donc des petites particules entre la mer et la terre et ça c'est surtout autour de l'Île d'Yeu, et donc on va s'intéresser aux problèmes d'érosion qui sont liés au changement climatique. Cette dynamique sédimentaire est très importante parce que c'est elle qui va pouvoir nous montrer où est le sable où sont les stocks qui peuvent protéger l'Île d'Yeu d'une érosion. Et observatoire, ça veut dire que l'on s'inscrit dans le long terme, on veut comprendre pendant longtemps et observer pendant longtemps comment se passe cette dynamique sédimentaire.
L'originalité de ce projet c'est que c'est un projet qui n'implique pas que des chercheurs de l'Université de Nantes, mais aussi des gens sur place, c'est à dire des gens de l'Île d'Yeu qui vont travailler donc c'est Elsa CARIOU qui va les coordonner donc on a des associations de l'Île d'Yeu, on a la mairie de l'Île d'Yeu et on a aussi les collégiens de l'Île d'Yeu et ça c'est très important puisse que c'est eux que l'on veut particulièrement sensibiliser à tous ces processus qui sont un peu compliqués de l'érosion.
Si on veut mieux comprendre la dynamique sédimentaire et donc en fait l'érosion côtière notamment et l'évolution des environnements dans le temps, c'est bien d'avoir d'un côté des scientifiques qui réfléchissent à ces questions-là et qui peuvent apporter des réponses, mais en fait y a un certain nombre de connaissances qui peuvent émaner directement du territoire et c'est important d'arriver à mettre ensemble les connaissances scientifiques et les connaissances des acteurs du territoire pour que tous ces gens-là travaillent ensemble et trouvent ensemble des réponses à leurs questions vis à vis de l'avenir de l’île, tout simplement.
On est venu sur l’île pour travailler sur les déchets marins, pour travailler sur les poissons aussi comment ils vivaient avec la pollution qui se passaient en ce moment.
Si toute l'année ils ramassent des déchets comme ça c'est énorme. Même en hiver déjà avec les tempêtes, ils en ont encore plus, c'est pas cool quoi !
Au début c'est toujours un peu compliqué quand on présente un nouveau projet aux élèves, notamment sur l'axe des déchets par ce que leur première appréhension c'était de travailler avec des ordures, d'avoir des déchets qui soient sales, au début on a une réticence, et puis quand on leur a parlé de la portée scientifique de l'intérêt que ça pouvait avoir y compris sociétal, les élèves adhèrent, se sentent valorisés et du coup ils s'impliquent.
Nous, notre association, on est là pour faire le lien entre le projet ODySéYeu et les citoyens de l'Île d'Yeu et ceux qui pourraient nous aider de l'extérieur et plusieurs population, les gens qui travaillent, les gens qui sont en vacances on est sur un tout petit territoire et c'est vrai que les déchets ils viennent de partout et notre travail c'est que l'environnement c'est vaste et c'est de faire le lien entre le projet scientifique et la population sur l'Île d'Yeu et celle qui vient nous rendre visite.
A partir d'octobre 2019 on a travaillé en collaboration avec la municipalité de l'Île d'Yeu pour que l'Île d'Yeu rentre dans le réseau national de suivi des déchets sur le littoral, comme ça on fait régulièrement un suivi du site des Sabias qui est juste derrière nous, où tous les mois on va collecter les déchets qui arrivent sur la plage des Sabias et comme ça, cela va nous donner une idée des différents déchets qui transitent autour de l'Île d'Yeu, de leur provenance donc ça nous aide aussi à savoir comment fonctionne l'environnement et les courants autour de l’île.