2. La station balnéaire : des territoires et des méritoires en devenir

Les touristes comme les habitants des stations balnéaires occupent ce lieu de vie temporaire ou permanent en fonction de leur âge, de leurs activités récréatives ou de travail. Les géographes utilisent le terme de territorialisation, de territorialité, de territoire. Ce territoire est l'espace approprié par un groupe qui y porte une histoire et des pratiques communes.

Arrivé en vacances dans la maison familiale, cette famille va retrouver le coin de plage habituel en espérant y rencontrer les amis des vacances précédentes, acheter une glace, boire un verre sur une terrasse parfois à la même table, aller au marché, participer à la fête de l'été, au festival, marcher sur la falaise ou se promener sur la plage pour admirer le coucher de soleil constituent autant de rites, et de formes de territorialisation. Dans cet espace approprié, certains lieux, un rocher, un endroit particulier de la plage ou de la station constitue un géosymbole, un lieu symbolique qui fait sens à ce groupe d'amis, à cette famille, le banc du premier baisé, le blockhaus de la première cigarette.

Chaque littoral se décompose en une série de territoires qui se jouxtent et se superposent suivant les fonctionnalités qu'ils représentent. On peut identifier des territoires de vie, de production, de découverte et de loisirs. Ces derniers sont multiples en fonction des pratiques sportives, des groupes qui les exercent, de la symbolique qui l'accompagne. En mer, les méritoires sont donc nombreux, de la territorialisation instantanée de la vague par le surfeur, au coin de pêche du grand père. Les géo symboles sont tout aussi nombreux, du trou à homard au spot de surf confidentiel réservé à quelques initiés.

Les espaces vécus constituent des méta structures spatiales qui englobent les différents territoires de l'individu (Di Méo G, 1991) qu'il est nécessaire d'appréhender afin de comprendre en partie le fonctionnement des dynamiques littorales. Les espaces vécus des individus comprennent les espaces de vie (lieux fréquentés par l'individu), l'espace social (composé des interrelations sociales spatialisées) et les valeurs psychologiques qui y sont projetées et perçues (Frémont A, 1984).

Le processus de littoralisation est l'une des clés essentielles de lecture des mutations de ces territoires. Les littoraux sont des espaces investis et convoités qui se présentent comme un éco socio système (Corlay, 1995). Pour Vincent Herbert (2017), la côte constitue aussi une échelle d'analyse pertinente. Elle prend en compte l'espace maritime approprié, comme un bassin de plaisance, le littoral dans sa largeur prenant en compte des éléments environnementaux comme le vent, l'ensoleillement, le microclimat, la zone soumise aux risques de submersion, mais aussi le littoral fonctionnel, c'est à dire par exemple la station balnéaire. Le concept de côte, prend aussi en compte l'arrière-pays, le rétro littoral comme partie intégrante de la côte.

Dans ces espaces appropriés, porteurs de symboliques fortes remontant à l'enfance, l'attachement aux lieux, à leurs fonctions est souvent très forte. Quels seront ces territoires, ces territorialités en 2050 pour ces nouvelles populations littorales qui auront fréquentées la station balnéaire le temps des vacances, avant de s'y installer pour la retraite, pour ces nouvelles populations littorales venant d'ailleurs mais travaillant dans les nouvelles activités maritimes liées à la conservation de la nature, la recherche, la production de nouveaux produits (algues, alicaments, cosmétiques), ou dans les nouvelles activités liées au nautisme et à l'accueil touristique... Quelle sera la part du digital, de la 5G dans cette création symbolique du territoire et de l'espace vécu ?

Ces territoires de vie, en mer comme sur terre constituent donc des espaces bâtis, des lieux de vie, des lieux à forte valeur économique qui présenteront des facteurs de vulnérabilité accrus en 2050 dans un contexte de changement global et d'élévation du niveau de la mer.