3.4 La défiance vis-à-vis des pouvoirs publics : le cas de La grippe A( H1N1)

Pour cerner plus particulièrement les liens qui se créent entre expertise et politique, le cas de la grippe A (H1N1) est exemplaire. On peut y relever les alertes envoyées par l’OMS, les mesures prises par les pouvoirs publics et une énorme  polémique qui agite l’opinion publique.

Reprenons les conclusions du rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'étude de la Cour des comptes relative à l'utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A H1N1 -1° février 2011. La Cour des comptes note que « plus largement, la campagne de vaccination illustre le rôle secondaire donné à la communication ». En effet, ni les conclusions des enquêtes d'opinion, ni le constat que, le 7 octobre 2010, moins de Français étaient favorables à l'idée de se faire vacciner contre la grippe H1N1 que contre la grippe saisonnière, n'ont conduit à « une modulation, même marginale » de la stratégie de vaccination.

L'étude de la Cour des comptes attribue principalement le peu d'intérêt des Français pour une campagne de vaccination massive et gratuite, au fait que la grippe A (H1N1) n'a jamais représenté une menace particulièrement grave à leurs yeux. Elle note également que la communication gouvernementale n'a pas eu de prise sur le manque d'enthousiasme durable pour la vaccination. On peut même penser, du reste, qu'elle a sans doute contribué à l'aggraver.

Comme l'avait fait le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes met aussi en cause certaines prises de positions contre la vaccination émanant de professionnels de santé - en particulier celle du syndicat national des infirmiers - et les rumeurs relatives à la nocivité des vaccins propagées sur Internet auxquelles la communication officielle n'a pas su réagir.

Certaines maladresses ont par ailleurs certainement contribué à entretenir les inquiétudes et la méfiance à l'égard de la communication publique. Ainsi comme l'avait observé devant la commission d'enquête sénatoriale Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie, est-il fâcheux que l'on ait dans le même temps affirmé l'innocuité des vaccins adjuvés, et annoncé que les personnes à risques recevraient des vaccins sans adjuvants. De surcroît, nos concitoyens n'ont pas compris que les médecins ne soient pas associés à une démarche de santé publique, ce qui a certainement contribué à leur réticence vis-à-vis de la vaccination H1N1. Cependant, il n'est pas douteux que ce décalage entre la parole officielle et le sentiment populaire ne facilitera pas, dans l'avenir, l'adhésion des citoyens aux messages de santé publique - qui « passent » déjà assez difficilement en France, qui ne partage pas la même culture de la prévention que, par exemple, les pays nordiques qui eux se sont montrés beaucoup plus réceptifs à la campagne de vaccination.

Comme on pouvait le craindre, on constate d'ailleurs que l'épisode de la pandémie H1N1 semble avoir contribué à accentuer encore,  la désaffection à l'égard de la vaccination en France. En témoigne le médiocre succès de la vaccination antigrippale saisonnière cette année. Alors que le taux de couverture vaccinale progressait régulièrement, il a nettement fléchi au début de la campagne de vaccination et était, revenu à son niveau de 2006-2007 à la fin du mois de novembre 2010.